Certes… mais on en prend le chemin

Par Daniel Gluckstein

L’affaire pourrait sembler anecdotique. Qu’on en juge.

Est-il normal que des collégiens passant le brevet aient pour épreuve le commentaire d’un texte qui vante le Service national universel (SNU) ? Cela s’est passé la semaine dernière dans les établissements français de l’Amérique du Nord. Activités sportives, randonnées en montagne, balades en raquettes, éducation musicale, formation aux « valeurs patriotiques avec levée des couleurs » : veuillez montrer, jeunes candidats, combien ces activités « permettent de développer l’engagement citoyen ». Il vous reviendra aussi d’« expliquer à vos camarades les conditions pour participer au SNU et les objectifs de ce séjour de cohésion ».

Ces adolescents se voient ainsi contraints de « vendre » le SNU sous peine de moins bonnes notes au brevet ! Ceux d’entre eux qui passeront en seconde devront alors trouver un stage obligatoire de deux semaines en entreprise. Ceux qui n’en trouveront pas – ils sont une majorité cette année – se verront offrir une option de remplacement : le séjour SNU, organisé et encadré par l’armée. L’armée qui, précisément, au bout du SNU, leur ouvre ses bras !

Embrigadement de la jeunesse et bourrage de crâne sont propres à tous les régimes totalitaires. Nous n’y sommes pas encore, certes… mais est-il exagéré de dire qu’on en prend le chemin ?

L’embrigadement totalitaire de la jeunesse va souvent de pair avec les préparatifs de guerre. En réponse au président français annonçant son intention d’envoyer des instructeurs militaires sur le champ de bataille en Ukraine, le porte-parole du Kremlin a, ce 4 juin, déclaré qu’aucun instructeur en charge de la formation militaire des Ukrainiens ne bénéficiera d’une quelconque immunité, précisant : « Peu importe qu’ils soient français ou non. » La presse évoque la formation imminente d’une coalition internationale pour l’envoi de ces instructeurs militaires.

La France n’est pas encore en guerre, certes… mais elle en prend le chemin.

Le propre des régimes totalitaires est d’interdire toute liberté d’organisation. On n’y est pas encore, certes… mais la répression s’intensifie contre le mouvement ouvrier, comme on peut le lire dans ce journal.

Le propre des régimes totalitaires est de s’en prendre à ce qui a été conquis par la lutte de la classe ouvrière. Assurance chômage, Sécurité sociale, retraites… ; comment ne pas s’interroger ?

Alors, ont-ils tort, ces militants ouvriers qui, des deux côtés de l’Atlantique, s’adressent aux députés élus par les travailleurs sur un mandat de paix, députés qui votent pourtant les crédits de guerre, pour leur dire : « Respectez le mandat qui vous a été confié, cessez de voter les crédits pour la guerre, rompez l’union sacrée qui vous relie à vos gouvernements, gouvernements au service des exploiteurs et des fauteurs de guerre ! » ?

Ont-ils tort, ces militants ouvriers de toutes tendances, de se mobiliser contre le danger imminent de la guerre généralisée, à l’extérieur comme à l’intérieur ? Ont-ils tort, en combattant les menaces de guerre, de défendre la démocratie contre le totalitarisme ? N’en déplaise à ceux qui prétendent embrigader la jeunesse.