Retour aux fondamentaux

Par Daniel Gluckstein

Barnier, c’est plus d’un demi-siècle au service du capital et de la réaction. Lui à Matignon, peu importe les noms des ministres : patrons et spéculateurs dicteront directement la politique du gouvernement et le pousseront à affronter les travailleurs. Ainsi, la classe capitaliste revient à ses fondamentaux : la lutte des classes, capital contre travail.

Et du côté des travailleurs ? Comment faire face au déferlement annoncé d’attaques contre les retraites, les salaires, les services publics, la Sécurité sociale, les travailleurs immigrés ? À quoi se combine la hausse constante des crédits pour la guerre et des cadeaux offerts aux patrons pour leur garantir toujours plus de profits.

Il faut pour cela revenir aux fondamentaux des exploités : la lutte de classe, classe contre classe, pour se préparer au choc qui vient.

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Qui gouverne en réalité ?

Par Daniel Gluckstein

Et si l’objectif de Macron était de prouver que, sous la Ve République, il est possible de gouverner sans gouvernement ni Premier ministre ?

Sur les « affaires courantes », un gouvernement « démissionnaire » suffit à la tâche, on le voit avec la désastreuse rentrée scolaire de Mme Belloubet. Et cela vaut aussi pour l’avenir. Le ministre « démissionnaire » Le Maire annonce des chiffres astronomiques de déficit public. Il désigne les responsables : les collectivités territoriales qui, à l’en croire, seront contraintes, quel que soit le gouvernement, de réduire leurs dépenses !

Y aurait-il trop de crèches et de centres de protection maternelle et infantile ? Accorderait-on trop de crédits à l’entretien des collèges, des lycées, des écoles ? Les tarifs des cantines et les loyers des logements sociaux seraient-ils scandaleusement bas ? Ces logements seraient-ils trop luxueux et trop bien entretenus ? Les employés territoriaux seraient-ils trop nombreux et trop bien payés ?

À écouter le ministre « démissionnaire », cette véritable saignée dans les budgets sociaux serait dictée par l’obligation de réduire la dette publique. Sinon… la France sera punie par les agences de notation et les grandes banques ne lui prêteront plus d’argent.

Les grandes banques ? Elles sont dominées par le capital financier principalement états-unien. Là se situe le cœur des forces sociales qui, certes, ne gouvernent pas directement la France, mais la gouvernent quand même d’une certaine manière, comme d’ailleurs les autres grands pays capitalistes. Un Premier ministre, un président de la République sont les instruments de leurs exigences, Macron peut y mettre sa petite touche, mais le cadre général est fixé par d’autres, loin de l’Élysée… et encore plus loin de Matignon !

Les institutions de la Ve République, comme celles de l’Union européenne, interdisent toute politique qui consacrerait les richesses produites à la satisfaction des besoins du peuple. Elles n’autorisent que des politiques qui prélèvent sur le travail du peuple pour engraisser les capitalistes et les spéculateurs. Macron est là pour veiller, avec tous les moyens que lui donne la Constitution, à ce que les exigences des capitalistes s’imposent en toutes circonstances. On ne peut donc gouverner pour le peuple et gouverner avec Macron. Appeler de ses vœux une cohabitation entre le Nouveau Front populaire et Macron, c’est être candidat au rôle d’homme (ou de femme) de paille du capital financier.

Un gouvernement qui voudrait répondre aux besoins les plus urgents de la population remettrait en cause le paiement de la dette, qui n’est pas celle du peuple travailleur. Il rejetterait les diktats des traités européens. Il en appellerait à la mobilisation ouvrière et populaire pour imposer cette rupture et faire respecter le mandat du peuple. En commençant par abroger les institutions de la Ve République (dont la fonction de président) et convoquer une Assemblée constituante composée de délégués du peuple, élus, mandatés et révocables, pour jeter les bases d’une authentique démocratie.

Dans la vraie vie

Par Daniel Gluckstein


Vous connaissez les trois singes qui symbolisent la sagesse en Asie ? Macron, c’est les trois singes réunis en un seul homme, symboles ici de duplicité.

Le rejet massif de sa politique, exprimé dans les grandes luttes de classe de 2023 et dans les récentes élections ? Il ne le voit pas.

La colère des patients privés de soins, des parents dont les enfants sont privés de prise en charge à l’école, des travailleurs victimes de licenciement ? Il ne l’entend pas.

Quant au nom du prochain Premier ministre… il ne le dit pas.

Il le fera, certes, mais au moment qu’il aura choisi, il n’est pas pressé. Macron est à l’Élysée, chargé par les capitalistes de défendre au mieux leurs intérêts. Il prend donc le temps de dessiner le gouvernement le plus à même de réaliser ce mandat et de s’attaquer aux droits des travailleurs. Il peut le faire parce que la Constitution lui donne le pouvoir de désigner quand il veut le Premier ministre de son choix.

Le Nouveau Front populaire (NFP) dénonce le « coup de force de Macron ». À juste titre. Encore faut-il rappeler que, sous la Ve République, le « coup de force » fait partie des institutions. On connaît la formule de Mitterrand : la Ve République, c’est « le coup d’État permanent ». Macron se comporte de manière antidémocratique, mais pas anticonstitutionnelle.

Plusieurs partis membres du NFP appellent à manifester « contre le coup de force ». Quel en serait l’objectif ? S’agit-il, comme on le lit ici et là, de demander à Macron, au nom du « respect des institutions », qu’il « entende le message des élections » ? Si c’est de cela qu’il s’agit, ce serait poursuivre le théâtre de vaudeville qu’on nous inflige depuis bientôt deux mois, où l’un sort de la scène quand l’autre y entre, puis celui qui est sorti entre à nouveau et l’autre sort par l’autre porte…

La vraie vie, ce n’est pas du théâtre de boulevard. Dans la vraie vie, il y a la guerre, la misère, la décomposition sociale. Dans la vraie vie, en cette rentrée, il y a les écoliers sans enseignants, les malades sans soignants, les services publics sans moyens, les ouvriers privés d’emploi, les familles sans logement, les fins de mois qu’on ne peut pas boucler, les frais de la rentrée qu’on ne peut assumer.

En 2023, dans des manifestations de millions et de millions contre la réforme des retraites, le cri a jailli : « Dehors Macron ! » Dans les récentes élections, le cri a jailli à nouveau, cette fois sorti des urnes : « Dehors Macron ! » Il n’y a qu’une réponse au coup de force antidémocratique et anti-ouvrier : la mobilisation unie pour mettre dehors Macron et la Ve République, pour imposer l’élection d’une Assemblée constituante pour une nouvelle république, une république démocratique et un gouvernement de rupture pour la satisfaction des revendications.

La meilleure voie pour cela, c’est la lutte de classe directe par laquelle les travailleurs, dressant leurs revendications, se donnent les moyens d’en arracher eux-mêmes la satisfaction, sans attendre le « feu vert » venu d’en haut.

Un silence assourdissant

Par Daniel Gluckstein

Quand Zelensky déclare (19 août) que « personne n’était au courant de nos préparatifs d’invasion du territoire russe », il nous rappelle la profession qu’il exerçait avant de présider l’Ukraine : acteur comique.

Personne n’était au courant de cette invasion perpétrée par des soldats préalablement entraînés en France et en Allemagne et équipés de pied en cap (chars compris) par l’OTAN ? Allons donc…

Zelensky avait, dans un premier temps, évoqué une opération ponctuelle. Quinze jours plus tard, 1 200 km² de terres russes sont occupées. Elles viennent d’être placées sous administration militaire ukrainienne. Preuve d’une occupation « ponctuelle » appelée à durer…

En réalité, c’est l’OTAN qui occupe et transpose la guerre sur le sol russe. Une guerre dans laquelle les grandes puissances capitalistes se sont impliquées depuis trente mois au nom de la « défense de l’Ukraine agressée ». Force est de constater cette réalité nouvelle :« l’invasion du territoire russe » revendiquée par Zelensky.

Jouant eux aussi la comédie des « pas-au-courant », les dirigeants américains s’en félicitent bruyamment, dans un total consensus entre démocrates et républicains. Il est vrai que cela va dans le sens des intérêts bien compris des sommets du capital financier des États-Unis. Ils n’ont jamais caché leur volonté d’évincer les oligarques de Moscou pour procéder eux-mêmes à l’exploitation du peuple russe et au pillage des immenses ressources du pays.

Au fait… où sont passés ceux qui, en février 2022, dénonçaient l’agression du seul Poutine contre la souveraineté de l’Ukraine, sans un mot à l’encontre des parrains occidentaux de Zelensky ? Raphaël Glucksmann, Manon Aubry, Marie Toussaint, vous êtes les représentants officiels de la « gauche » française au Parlement européen. Vous avez voté il y a cinq semaines sa résolution encourageant Zelensky à étendre la guerre et appelant à la financer. Où êtes-vous ? Où sont vos appels vibrants au respect de la souveraineté des peuples quand les chars de l’OTAN envahissent le territoire russe ? Votre silence aujourd’hui dit le crédit qu’il faut apporter à vos envolées lyriques sur la liberté et la justice !

La réalité de la guerre, c’est son contenu de classe. Elle oppose les oligarques capitalistes de Moscou à leurs concurrents de Washington. Ceux qui poussent à la poursuite et à l’extension de la guerre se font les relais d’un groupe de brigands capitalistes contre un autre groupe de brigands capitalistes.

Russes ou ukrainiens, français ou américains, les travailleurs n’ont pas le moindre intérêt à la poursuite de cette guerre. Dès février 2022, nous écrivions dans ces colonnes : « Troupes russes, hors d’Ukraine, troupes de l’OTAN, hors d’Europe ! » Nous n’avons rien à modifier aujourd’hui, sauf à préciser que « Troupes de l’OTAN, hors d’Europe ! » implique « Troupes ukrainiennes, hors de Russie ! ». Et que l’argent de la guerre doit revenir aux hôpitaux, à l’école, au logement. En un mot : aux besoins des peuples de tous les pays !

À la vie et à l’avenir, pas à la guerre et au néant !

Puisque Macron ne le veut pas…

Par Daniel Gluckstein

Il doit « reconnaître le résultat des élections » et « se remettre à discuter de la formation d’un gouvernement ». Qui parle ? Chloé Ridel, porte-parole du Parti socialiste (France Inter, 12 août). À qui s’adresse-t-elle ? À Macron, en direction de qui elle vante les compétences de Lucie Castets, désignée par le Nouveau Front populaire (NFP) comme candidate au poste de Première ministre.

Il y a quelque chose de pitoyable dans cette supplique. Faut-il rappeler que, depuis sept ans, Macron met en œuvre avec zèle le mandat confié par sa classe : accroître l’exploitation des travailleurs en remettant en cause leurs acquis pour permettre au profit capitaliste d’enfler toujours plus ? Faut-il rappeler que la Constitution de la Ve République donne au président le pouvoir de désigner le (ou la) Premier(e) ministre qui lui convient ? Et que, par conséquent, personne ne peut lui imposer une nomination dont il ne veut pas ?

Il est vain de supplier Macron. Il ne désignera de Premier ministre (issu du NFP ou de la droite ou du centre) qu’à la condition que sa politique ne lèse pas les intérêts capitalistes. Certes, des compromis sont possibles, mais à la marge : cohabitation ou pas, un gouvernement de la Ve République ne peut gouverner contre la classe capitaliste.

Le mandat du 7 juillet est un mandat ouvrier et populaire. Il appelle des mesures radicales : l’augmentation générale des salaires et l’affectation à l’école, aux hôpitaux, aux services publics, au logement social des milliards nécessaires pour répondre aux besoins immédiats. Pour une telle politique de rupture ouvrière et populaire, les moyens doivent être dégagés là où ils sont : dans les profits capitalistes et dans les budgets d’armement, les uns et les autres en constante augmentation.

L’application de ce mandat se heurte à Macron et aux institutions de la Ve République. Les dirigeants du Nouveau Front populaire le savent, comme ils savent que, quel que soit le Premier ministre, Macron s’opposera à toute politique de rupture avec la classe capitaliste.

La seule voie pour mettre en œuvre le mandat du 7 juillet, c’est la mobilisation de masse, la mobilisation de millions qui brisera le carcan de la Ve République. Ce que Macron veut empêcher, le peuple mobilisé et organisé peut l’imposer.

De deux choses l’une.

Ou bien les dirigeants du Nouveau Front populaire renoncent au mandat confié par le peuple, au nom du respect des institutions.

Ou bien, pour respecter le mandat, ils s’engagent sur la voie de la rupture et appellent à organiser la mobilisation générale dans l’unité pour en finir avec la Ve République et pour la convocation d’une Assemblée constituante souveraine. Ainsi pourra se mettre en place une République nouvelle où il sera possible de gouverner pour le peuple travailleur et la jeunesse.

Nombre de dirigeants du Nouveau Front populaire ne manquent aucune occasion d’entonner le refrain des gilets jaunes. Ils ont aujourd’hui la responsabilité de passer de la chanson à l’action : puisque Macron ne le veut pas, le peuple doit imposer le respect de la démocratie.

Une fois éteints les lampions de la fête…


Par Daniel Gluckstein

Nombre de nos jeunes lecteurs ignorent sans doute qui fut Maurice Chevalier et, a fortiori, sa chanson à succès de 1939 : « Et tout cela, ça fait d’excellents Français, d’excellents soldats qui marchent au pas. » Il y glorifiait l’union, « face à l’ennemi », de ces « Français » divers par leurs origines sociales et leurs opinions.

2024 marquera-t-il l’improbable retour de Maurice Chevalier ? À en croire Macron et certains médias aux ordres, les « excellents Français » seraient tous « contents », unis dans une même « ferveur ». Ferveur en particulier pour « nos » exploits, « nos » athlètes, « nos » performances qui suscitent des commentaires dégoulinants de chauvinisme.

Le sport est une chose. La lutte des classes en est une autre. Mais le sport peut devenir un enjeu de la lutte des classes.

Qui a vraiment lieu d’être « content » ?

Les patrons des multinationales, c’est certain. Selon le Financial Times, Coca-Cola, LVMH, Samsung et quelques autres ont investi des milliards d’euros dans le sponsoring des Jeux. Grâce à cette « commercialisation sans précédent », elles ont la garantie d’empocher bien plus en retour.

Macron aussi est content. Pendant que le peuple suit les Jeux, lui est occupé ailleurs : avec son ministre Le Maire pour mijoter un budget d’austérité comme jamais le pays n’en a connu ; avec sa ministre Belloubet pour préparer une rentrée scolaire de toutes les contre-réformes ; avec ses collègues de l’Union européenne pour financer à coups de milliards la guerre en Europe (grâce aux votes des « gauches » au Parlement européen) ; avec, aussi, ses collègues Biden et autres pour couvrir les crimes insensés de Netanyahou en Palestine.

Macron est content aussi parce que, tandis que les yeux sont rivés ailleurs, il prépare une combinaison gouvernementale qu’il compte bien imposer, contre le mandat du vote du 7 juillet, en s’appuyant sur les pouvoirs exorbitants que lui confère la Ve République.

À « gauche », Anne Hidalgo ne cache pas sa joie : les Jeux de Paris montrent qu’« on peut être ensemble et être heureux ensemble ». On ne sait pas ce qu’en pense sa directrice des finances Lucie Castets, accaparée par sa tournée de possible future Première ministre du Nouveau Front populaire.

Jusqu’à quel point les médias qui chantent les louanges de l’union nationale retrouvée grâce aux Jeux y croient-ils eux-mêmes ? « La France heureuse des JO : une simple parenthèse ? », s’interroge Le Monde.

2024 n’est pas 1939. Cela fait des années que les travailleurs ne marchent pas au pas, multipliant grèves, manifestations et grands mouvements de lutte de classe. Ils ont exprimé leur rejet massif de Macron et de sa politique dans les récentes élections.

Les lampions de la fête vont s’éteindre. Pas plus demain qu’hier, les travailleurs ne marcheront au pas ; que ce pas soit dicté par Macron ou par un autre gouvernement – fût-il de « gauche » – qui voudrait coopter leurs syndicats et imposer des mesures qu’ils rejettent.

Les travailleurs ont plus que jamais besoin de préserver l’indépendance de leurs organisations. Une fois les lampions éteints, la lutte de classe sera toujours là. Et bien là