Éditorial de La Tribune des Travailleurs n° 464 du 6 novembre 2024
Par Daniel Gluckstein
Est-il normal qu’Auchan annonce ce 5 novembre 2 389 suppressions d’emplois et la fermeture de plusieurs magasins ? Oui, c’est normal, explique la direction de l’entreprise : l’inflation alimentaire, c’est 20 % en deux ans, les gens achètent moins, donc nous avons perdu de l’argent… Question : qui organise l’inflation alimentaire sinon les grands groupes financiers, « collègues » et concurrents de la famille Mulliez, propriétaire d’Auchan ?
Ce même 5 novembre, Michelin annonce 1 254 suppressions d’emplois et la fermeture des usines de Cholet et de Vannes. Est-ce normal ? Oui, justifie la direction de l’entreprise, puisque les pneus que nous fabriquons sont destinés à des camionnettes dont le marché a connu une baisse significative et donc une réduction drastique de la production.
Ce même 5 novembre, Le Figaro consacre une page à expliquer « comment la France peut supprimer 150 000 postes de fonctionnaires en cinq ans ». Est-ce normal de supprimer ces 150 000 emplois ? Oui, répondent Le Figaro et le gouvernement, car il faut permettre « la stabilisation de la dette publique ». Autrement dit, il faut donner des garanties aux fonds de pension et autres groupes financiers qui spéculent sur la dette publique créée de toutes pièces par les banquiers et les capitalistes !
Normal ? Dans le système capitaliste, seul compte le profit.
On met sur le marché plus de produits alimentaires que le pouvoir d’achat des salariés permet de consommer ? Alors on liquide des productions agricoles entières, et les magasins chargés de les distribuer, et les emplois de ceux qui les vendent !
On produit trop de moyens de transport ? Il faut liquider les usines qui fabriquent des pneus !
On « produit » trop d’enseignants, d’infirmiers, de personnels d’entretien des bâtiments publics, d’éboueurs, de personnes qui prennent en charge les enfants en situation de handicap, de psychologues, d’auxiliaires de puériculture ? Supprimons, supprimons !
À l’écoute de ces nouvelles, tout travailleur doté d’un peu de bon sens se dira que ce monde marche sur la tête : des millions de gens ne mangent pas à leur faim, des millions n’ont pas de travail et l’urgence serait cette liquidation générale ?
Ce n’est pas l’emploi qu’il faut supprimer. C’est cette couche – mince, mais puissante – qui est propriétaire privée de montagnes de capitaux avides de profit et qui, pour cela, revendique de pouvoir détruire ce qui n’est pas assez rentable, emplois, acquis sociaux…
De trop ? C’est le capitalisme qui est de trop ! De trop aussi les gouvernements de droite comme de gauche qui mettent en œuvre les politiques dictées par les fonds de pension et les multinationales. De trop ce gouvernement Macron-Barnier soumis à la dictature du capital qui détruit la civilisation humaine. De trop tous ceux qui, avec lui, prétendent qu’il est « normal » de détourner les richesses produites par le peuple travailleur vers les budgets de guerre et de destruction.
Ceux-là, oui, décidément, gouvernement Macron-Barnier, système capitaliste, institutions de la Ve République, tous ceux-là sont de trop. Dehors !