Le fil à plomb

Par  Daniel Gluckstein

          Les événements se précipitent. La censure du gouvernement Barnier semble inéluctable. Les rumeurs se répandent : Macron pourrait recourir à l’article 16 de la Constitution ; ou bien démissionner. Privés des promesses d’un budget Barnier violemment anti-ouvrier, les « marchés » pourraient précipiter la ruine du pays…
          Vue de l’autre côté de la frontière de classe, la catastrophe n’est pas la non-adoption du budget, cela aurait plutôt été son adoption. Oui, une catastrophe, le pillage aggravé de la Sécurité sociale, les trois jours de carence prélevés sur les salaires des fonctionnaires, les 4 000 postes d’enseignants supprimés. Une catastrophe, l’encouragement aux 270 plans « sociaux » en cours et les 300 000 suppressions d’emplois annoncées dans le privé. Contre cette politique, la grève s’étend dans le pays qui met à l’ordre du jour la grève générale.
          Imaginons que les travailleurs imposent par la grève que les revendications soient satisfaites. Par exemple, le maintien des emplois par l’interdiction des licenciements, le rétablissement des moyens nécessaires aux services publics, l’augmentation générale des salaires, le rétablissement de la Sécurité sociale dans toutes ses dispositions. Supposons que, par la grève, les travailleurs imposent le financement de ces mesures par le prélèvement des moyens nécessaires sur les centaines de milliards d’euros des budgets de guerre et des dividendes versés chaque année aux actionnaires. Que se passerait-il alors ?
          Les « marchés », nous prévient-on, se déchaîneraient. Sans doute. Que les « marchés » – les fonds de pension, les investisseurs institutionnels, les grandes banques – réagissent mal à des mesures favorables aux travailleurs, quoi de plus logique ? Ceux qui invoquent cette menace pensent probablement que les marchés, c’est-à-dire les exploiteurs capitalistes, gouverneront le monde jusqu’à la fin des temps ? Si tel était le cas, il n’y aurait pas lieu de revendiquer. Les travailleurs ne peuvent accepter cette logique défaitiste et capitularde.
          Les « marchés » peuvent se déchaîner, certes. Ils peuvent aussi être contraints de faire preuve de « réalisme ». La satisfaction des revendications des travailleurs en France s’attirerait nécessairement la sympathie des travailleurs d’Italie, d’Espagne, d’Allemagne, de Grande-Bretagne, telle une vague s’étendant à toute l’Europe. La crainte de la révolution peut amener les capitalistes à de profonds reculs, la Sécurité sociale de 1945 en témoigne.
Voilà pourquoi, quels que soient les développements des prochains jours, le fil à plomb pour les travailleurs ne peut être que de faire aboutir les revendications par la grève. Si le gouvernement s’y refuse, qu’il soit remplacé par un autre gouvernement qui satisfera les revendications portées par la grève générale ! La Constitution de la Ve République rend ce cas de figure très improbable ? Alors il faudra une autre République établie par le peuple ayant repris son sort entre ses mains.
          À ceux qui dénonceront cette démarche comme radicale et qui appellent au « compromis », les travailleurs mais lorsque le journal L’Humanité donne comme exemple de compromis la validation, il y a quelques jours, par la commission mixte parlementaire, d’un pillage supplémentaire de la Sécurité sociale, cela ne s’appelle pas un compromis, c’est une capitulation.
          Répétons-le, le fil à plomb doit rester plus que jamais le combat pour les revendications, que Macron démissionne ou pas. Les travailleurs savent d’expérience que – pour légitime qu’elle serait – la démission de Macron et son remplacement par un autre président ne suffiraient pas à régler les problèmes. C’est par leur propre action qu’il leur revient d’imposer la satisfaction des revendications. Y compris la « revendication » d’un gouvernement des travailleurs et de la démocratie.
          Le fil à plomb, c’est l’action de classe dans l’unité.
                                                                      (Le 3 décembre, 18 heures.)