Dans la vraie vie

Par Daniel Gluckstein


Vous connaissez les trois singes qui symbolisent la sagesse en Asie ? Macron, c’est les trois singes réunis en un seul homme, symboles ici de duplicité.

Le rejet massif de sa politique, exprimé dans les grandes luttes de classe de 2023 et dans les récentes élections ? Il ne le voit pas.

La colère des patients privés de soins, des parents dont les enfants sont privés de prise en charge à l’école, des travailleurs victimes de licenciement ? Il ne l’entend pas.

Quant au nom du prochain Premier ministre… il ne le dit pas.

Il le fera, certes, mais au moment qu’il aura choisi, il n’est pas pressé. Macron est à l’Élysée, chargé par les capitalistes de défendre au mieux leurs intérêts. Il prend donc le temps de dessiner le gouvernement le plus à même de réaliser ce mandat et de s’attaquer aux droits des travailleurs. Il peut le faire parce que la Constitution lui donne le pouvoir de désigner quand il veut le Premier ministre de son choix.

Le Nouveau Front populaire (NFP) dénonce le « coup de force de Macron ». À juste titre. Encore faut-il rappeler que, sous la Ve République, le « coup de force » fait partie des institutions. On connaît la formule de Mitterrand : la Ve République, c’est « le coup d’État permanent ». Macron se comporte de manière antidémocratique, mais pas anticonstitutionnelle.

Plusieurs partis membres du NFP appellent à manifester « contre le coup de force ». Quel en serait l’objectif ? S’agit-il, comme on le lit ici et là, de demander à Macron, au nom du « respect des institutions », qu’il « entende le message des élections » ? Si c’est de cela qu’il s’agit, ce serait poursuivre le théâtre de vaudeville qu’on nous inflige depuis bientôt deux mois, où l’un sort de la scène quand l’autre y entre, puis celui qui est sorti entre à nouveau et l’autre sort par l’autre porte…

La vraie vie, ce n’est pas du théâtre de boulevard. Dans la vraie vie, il y a la guerre, la misère, la décomposition sociale. Dans la vraie vie, en cette rentrée, il y a les écoliers sans enseignants, les malades sans soignants, les services publics sans moyens, les ouvriers privés d’emploi, les familles sans logement, les fins de mois qu’on ne peut pas boucler, les frais de la rentrée qu’on ne peut assumer.

En 2023, dans des manifestations de millions et de millions contre la réforme des retraites, le cri a jailli : « Dehors Macron ! » Dans les récentes élections, le cri a jailli à nouveau, cette fois sorti des urnes : « Dehors Macron ! » Il n’y a qu’une réponse au coup de force antidémocratique et anti-ouvrier : la mobilisation unie pour mettre dehors Macron et la Ve République, pour imposer l’élection d’une Assemblée constituante pour une nouvelle république, une république démocratique et un gouvernement de rupture pour la satisfaction des revendications.

La meilleure voie pour cela, c’est la lutte de classe directe par laquelle les travailleurs, dressant leurs revendications, se donnent les moyens d’en arracher eux-mêmes la satisfaction, sans attendre le « feu vert » venu d’en haut.