Il n’y a pas trente-six moyens

Par Daniel Gluckstein

De larges secteurs de la classe capitaliste en France affichent sans complexe leur sympathie pour Trump et sa politique.

Le président du Medef réclame des mesures immédiates de déréglementation et d’« allègements des charges ». Sans quoi, menace-t-il, les suppressions d’emplois seront bien plus nombreuses que les 150 000 annoncées par la CGT.

Jean-Marc Vittori, lui, consacre sa chronique des Échos à « une bande de branquignols à la tête du monde ». Mais il ajoute : « Aussi étrange que cela puisse paraître (…), la folie trumpienne débouchera peut-être sur des changements salvateurs », par exemple, « la remise en cause de toutes les réglementations [qui] peut libérer des énergies insoupçonnées ». Bref : « Un gouvernement de branquignols ne va donc pas fatalement aboutir à une politique grand-guignolesque. Le pire n’est pas toujours sûr, même dans l’Amérique de Trump. »

Les capitalistes en France (et dans le monde) n’ont pas d’autres rêves que les capitalistes américains. La différence entre les premiers et les seconds n’est pas dans ce qu’ils voudraient faire, mais dans ce qu’ils peuvent faire. Si Macron en avait les moyens, il ferait du Trump.

Trump estime qu’il peut appliquer sa politique brutale balayant tous les cadres institutionnels pour trois raisons : la classe capitaliste la plus puissante du monde le soutient ; il a la majorité au Congrès ; les dirigeants syndicaux, ayant renoncé à leur indépendance en faisant campagne pour l’autre candidate capitaliste, sont pour l’instant sonnés. Certes, il va rapidement se heurter à de nombreux obstacles. Mais il peut espérer avoir les mains libres un certain temps.

En France, les grèves se multiplient, le mécontentement et le rejet grandissent, la classe ouvrière est là ! Même les partis parlementaires, qui font tout pour prolonger le mandat de Macron à l’Élysée, arrivent au bout de leurs manœuvres : l’hypothèse se dessine d’une motion de censure adoptée, faisant chuter le gouvernement.

Mais pendant ce temps, Macron et Barnier continuent de frapper : les salaires, les services publics, la Sécurité sociale, l’emploi…

Il n’y a pas trente-six moyens de bloquer cette politique désastreuse : la lutte de classe dans l’unité des travailleurs et de leurs organisations pour les revendications.

Dans un communiqué d’appui au projet de loi de La France insoumise visant à ramener l’âge de départ à la retraite à 62 ans, la CGT appelle « les salarié.es, jeunes et les retraité.es à utiliser la plateforme d’interpellation des députés “alloparlement.fr” pour empêcher les manœuvres d’obstruction de façon à ce que ce vote aille à son terme ». Le rôle des syndicats serait-il de se ranger sagement derrière une action parlementaire dont on sait les limites (pour ne pas dire plus) sous la Ve République ? Devraient-ils s’en remettre à une hypothétique adoption d’une proposition de loi qui, sauf accord de Macron, serait bloquée ensuite à un niveau ou à un autre de la mécanique bonapartiste de la Ve République ?

Présent sur le piquet de grève de l’usine de Denain (lire page 16), un travailleur d’ArcelorMittal déclare : « Vu la situation des salariés dans l’ensemble du pays, toutes les confédérations devraient se mettre d’accord pour appeler à une grève unique, une grève générale pour les faire reculer. »

Il a raison. La situation du pays appelle la grève, la vraie grève, pas une (ou trois) journée(s) d’action saute-mouton. L’heure est à préparer la grève « tous ensemble » dans l’unité qui bloquera les plans du gouvernement, le chassera et ouvrira la voie à un gouvernement de satisfaction des revendications des travailleurs et de la jeunesse.