Éditorial de La Tribune des Travailleurs n° 449 du 17 juillet 2024
Par Daniel Gluckstein
À l’heure où ces lignes sont écrites, nul ne sait quelle sera la composition du prochain gouvernement ni quand elle sera annoncée. Toutes les hypothèses sont sur la table, d’un gouvernement de coalition entre la droite et les macronistes à un large « arc républicain » du Parti socialiste et des Verts jusqu’à la droite et les macronistes. Autre hypothèse : Macron ferait durer le plus longtemps possible un gouvernement « technique » chargé d’« expédier les affaires courantes » en attendant… une probable dissolution en juillet 2025.
Une hypothèse semble s’éloigner chaque jour un peu plus : la constitution d’un gouvernement des partis du Nouveau Front populaire (NFP) pourtant arrivé en tête le 7 juillet.
Comment le comprendre ?
On ne s’étonne pas d’entendre le Medef et autres porte-parole du capital financier crier à la catastrophe annoncée à propos du programme du NFP. Pour eux, la moindre amélioration de la situation des salariés, aussi limitée soit-elle, aussi respectueuse soit-elle de la Vᵉ République et du régime capitaliste… est de trop !
Mais comment comprendre la lutte féroce que se livrent les différentes composantes du Nouveau Front populaire, une lutte dont le vainqueur est connu d’avance : Macron, donc la classe capitaliste dont il représente les intérêts ?
Force est de constater que tous contribuent à cette situation. Toute proposition d’un nom pour le poste de Premier ministre provoque un regain de tension et de division. C’est une véritable escalade. « Impossible » est le terme qui semble dominer les « échanges » entre les partis membres du NFP.
Les travailleurs et les jeunes qui ont massivement voté pour les candidats du NFP assistent à ce spectacle avec consternation. Ils s’interrogent : « Ces dirigeants de gauche veulent-ils vraiment gouverner pour mettre en œuvre leur programme ? »
Au soir du second tour, Jean-Luc Mélenchon a déclaré qu’il faudrait appliquer « le programme du NFP, tout le programme, rien que le programme ». Mais cinq jours plus tard, le 12 juillet, concluant l’assemblée de ses partisans dans ses locaux du 87, rue du Faubourg-Saint-Denis, il en appelle « à la conquête du pouvoir, nous en connaissons la date et les moyens, c’est 2027 et c’est l’élection présidentielle ». Si c’est 2027, ce n’est pas 2024… Qu’importe le vote du 7 juillet, qu’importent trois ans de plus avec Macron et sa politique ?
Quant au Parti socialiste et aux autres composantes du Nouveau Front populaire, ils savent qu’en proposant comme Premier ministre une « personnalité de la société civile », qui quelques jours auparavant appelait à s’allier avec les macronistes, ils attisent le feu de la division.
Tous tournent le dos au mandat qu’ils ont reçu par le vote populaire de millions de femmes, d’hommes, de jeunes le 7 juillet. Tous se dérobent.
Et pendant ce temps… Macron gouverne. La rentrée scolaire dans quelques semaines ? C’est celle préparée par Belloubet pour laquelle manquent des dizaines de milliers d’enseignants et de personnels chargés d’accompagner les enfants en situation de handicap. La guerre en Ukraine ? Macron vient d’y affecter 2,3 milliards d’euros supplémentaires. Le décret contre les chômeurs ? Il sera publié incessamment. La loi Darmanin contre les immigrés ? Des décrets d’application sont publiés ce jour, 16 juillet ! Ajoutons à cette liste la Cour des comptes qui prescrit 50 milliards de coupes supplémentaires dans le budget 2025 et Le Maire qui coupe 5 milliards supplémentaires dans le budget en cours d’exécution… Et l’annonce d’une nouvelle réforme des retraites, celle de l’an dernier n’aurait pas suffi.
Rien n’est joué. À ceux qu’ils ont placés en tête des votes le 7 juillet, les travailleurs sont en droit de dire : « Arrêtez de vous diviser ! Formez un gouvernement de vos partis pour appliquer le programme que vous avez soumis au vote populaire ! Sans quoi, si vous persistez à tourner le dos au mandat, si vous piétinez la démocratie dont vous vous réclamez, sachez que les travailleurs iront chercher par leur propre lutte de classe la satisfaction des revendications. Ils le feront sans vous, en préservant l’indépendance de leurs syndicats qui n’ont pas à être entraînés dans vos divisions. »
Quel que soit le dénouement immédiat, la Vᵉ République est frappée à mort.
Quel que soit le dénouement immédiat, il faudra bien que s’impose un gouvernement de rupture ouvrière qui abroge la fonction monarchique du président de la République doté de tous les pouvoirs et balaie la Vᵉ République elle-même.
Quel que soit le dénouement immédiat, la classe ouvrière a besoin de rester unie, forte, avec ses organisations pour faire prévaloir ses intérêts et ses aspirations. Et pour imposer enfin un gouvernement à elle, sans Macron ni patrons.
Le 16 juillet, 18 heures