Éditorial de La Tribune des Travailleurs n° 433 du 27 mars 2024
Par Daniel Gluckstein
C’est la nouvelle du jour, présentée comme une catastrophe ce 26 mars : la France s’acheminerait vers un déficit budgétaire de 5,5 % du PIB. Président de la Cour des comptes et ancien ministre « socialiste », Moscovici explique sur France Inter qu’il n’y a pas d’autre choix que de couper au moins 50 milliards d’euros dans la dépense publique.
Pourquoi ? Parce que, voyez-vous, le gouvernement ne peut ni augmenter les impôts ni décréter la reprise de la croissance économique. Donc « il faudra faire des économies ». Mais attention, il s’agira d’« efforts équitablement partagés et ressentis comme justes ». Nous voilà rassurés…
Sauf que Moscovici, écartant toute économie sur les dépenses décrétées « incompressibles », concentre son appel à des « efforts » sur « l’État, les collectivités territoriales et la Sécurité sociale ». Autrement dit : les services publics, en particulier l’école, les hôpitaux, les centres de santé… et l’assurance maladie et les retraites ! Bref, ce serait aux travailleurs de combler ce déficit, au prix de leur santé, de l’éducation des enfants, des emplois publics. Comme s’ils en étaient responsables !
Il n’en est rien. D’où vient-il, ce déficit ? Au titre des dépenses incompressibles, Moscovici range la guerre : « Le financement des dépenses supplémentaires que nous devons faire à l’égard de l’Ukraine. » Incompressible aussi dans sa bouche la charge de la dette, c’est-à-dire les près de 60 milliards d’euros par an versés aux grandes banques au titre des intérêts de la dette, qui seront bientôt, nous prévient-il, de l’ordre de 80 milliards d’euros. Quatre-vingts milliards d’euros, c’est aussi ce que coûtent à l’État les exonérations de cotisations de Sécurité sociale indûment accordées aux patrons, véritable détournement du salaire différé des travailleurs. Quant aux ressources… pas question pour Moscovici et les autres de toucher aux 146 milliards d’euros de bénéfices réalisés par les entreprises du CAC40 l’an dernier.
Alors, non, Moscovici, votre déficit n’est pas celui des travailleurs ! Votre déficit résulte des choix de classe faits par ce gouvernement au service des capitalistes, des choix qui privilégient la guerre, le pillage de la Sécurité sociale, la destruction des services publics et le gavage des capitalistes !
Dans les jours qui viennent, nul doute que les organisations de travailleurs seront sollicitées par le gouvernement pour des « concertations » et autres simagrées de « dialogue social » où elles seront invitées à faire des propositions pour que tout le monde puisse se serrer la ceinture… « équitablement » évidemment.
L’indépendance du mouvement ouvrier exige que les organisations qui parlent au nom des travailleurs rétorquent fermement au gouvernement : ce déficit n’est pas celui des travailleurs, on ne touche pas aux conquêtes ouvrières, à l’école, aux hôpitaux, à la Sécurité sociale, aux droits de la population.
Ce déficit n’est pas le nôtre.
C’est leur déficit, leur crise, leur guerre. En un mot : la faillite de leur système.