Editorial de La Tribune des Travailleurs n° 445 du 19 juin 2024
Par Daniel Gluckstein
Les dirigeants de la « gauche » qui appellent à combattre l’extrême droite devraient, s’ils veulent réellement en écarter la menace, tirer les leçons du passé.
Durant les quarante-trois dernières années, la Ve République a été présidée pendant dix-neuf ans par un président « socialiste » et dirigée cinq ans de plus par un gouvernement de « gauche » cohabitant avec un président de droite.
Vingt-quatre années durant lesquelles des ministres communistes, socialistes, Verts ou futurs insoumis ont obstinément refusé de s’engager sur la voie d’une véritable rupture avec la Ve République et le capitalisme. De sorte que, progressivement, les travailleurs et les jeunes qui massivement s’étaient rangés derrière ces partis en 1981 s’en sont détournés.
Si, parvenant à battre électoralement l’extrême droite les 30 juin et 7 juillet, une majorité de députés appartenant au Nouveau Front populaire se constituait, elle serait confrontée à cette alternative : ou bien s’engager sur la voie d’une véritable rupture ; ou bien lui tourner le dos, emprunter à nouveau la voie de l’accompagnement des politiques destructrices dictées par le grand capital. À moyen terme, ce serait garantir à l’extrême droite la victoire différée cette fois-ci.
On lira dans ce journal les conséquences dramatiques de la nouvelle convention médicale signée entre l’assurance maladie et les syndicats de médecins libéraux. Elle implique l’obligation pour les médecins de diminuer le nombre de molécules administrées aux patients polymédiqués. Cette décision répond-elle à des critères sanitaires ? Absolument pas ! Elle découle de l’obligation de réduire les déficits publics, inscrite dans les traités européens depuis le traité de Maastricht. La Banque centrale européenne y veille. Macron, président, est le garant du respect de ces traités européens mortifères, en application de la Constitution de la Ve République.
Un gouvernement de progrès social devrait, dès sa mise en place, abroger cette scandaleuse convention médicale. Cela implique, on le comprend, de rompre avec le cadre institutionnel.
Deux logiques s’affrontent, antagoniques : réduire les déficits publics ou réduire la durée de vie des patients.
L’argent est là, on le sait bien. Les plus de 100 milliards d’euros de dividendes versés aux actionnaires tous les ans, les centaines de milliards de la loi de programmation militaire… L’argent est là. Mais il faut, pour le confisquer, ne pas craindre de briser le carcan des institutions de la Ve République et des traités européens. Ne pas craindre de briser ce carcan tout de suite pour rendre possible une politique qui met en son centre la vie et non les injonctions de la Banque centrale européenne.
C’est cela le sens de la rupture ouvrière.
Se soumettre au pouvoir des banquiers et des militaires ou répondre aux besoins du peuple ? Au-delà du 30 juin, cette alternative sera tranchée par la mobilisation des travailleurs et des jeunes.
Voilà pourquoi il est indispensable de grouper les forces sur un programme de rupture ouvrière. Voilà ce pour quoi agit le Parti des travailleurs, ce pour quoi il combat et se construit.