Éditorial de La Tribune des Travailleurs n° 455 du 4 septembre 2024
Par Daniel Gluckstein
Et si l’objectif de Macron était de prouver que, sous la Ve République, il est possible de gouverner sans gouvernement ni Premier ministre ?
Sur les « affaires courantes », un gouvernement « démissionnaire » suffit à la tâche, on le voit avec la désastreuse rentrée scolaire de Mme Belloubet. Et cela vaut aussi pour l’avenir. Le ministre « démissionnaire » Le Maire annonce des chiffres astronomiques de déficit public. Il désigne les responsables : les collectivités territoriales qui, à l’en croire, seront contraintes, quel que soit le gouvernement, de réduire leurs dépenses !
Y aurait-il trop de crèches et de centres de protection maternelle et infantile ? Accorderait-on trop de crédits à l’entretien des collèges, des lycées, des écoles ? Les tarifs des cantines et les loyers des logements sociaux seraient-ils scandaleusement bas ? Ces logements seraient-ils trop luxueux et trop bien entretenus ? Les employés territoriaux seraient-ils trop nombreux et trop bien payés ?
À écouter le ministre « démissionnaire », cette véritable saignée dans les budgets sociaux serait dictée par l’obligation de réduire la dette publique. Sinon… la France sera punie par les agences de notation et les grandes banques ne lui prêteront plus d’argent.
Les grandes banques ? Elles sont dominées par le capital financier principalement états-unien. Là se situe le cœur des forces sociales qui, certes, ne gouvernent pas directement la France, mais la gouvernent quand même d’une certaine manière, comme d’ailleurs les autres grands pays capitalistes. Un Premier ministre, un président de la République sont les instruments de leurs exigences, Macron peut y mettre sa petite touche, mais le cadre général est fixé par d’autres, loin de l’Élysée… et encore plus loin de Matignon !
Les institutions de la Ve République, comme celles de l’Union européenne, interdisent toute politique qui consacrerait les richesses produites à la satisfaction des besoins du peuple. Elles n’autorisent que des politiques qui prélèvent sur le travail du peuple pour engraisser les capitalistes et les spéculateurs. Macron est là pour veiller, avec tous les moyens que lui donne la Constitution, à ce que les exigences des capitalistes s’imposent en toutes circonstances. On ne peut donc gouverner pour le peuple et gouverner avec Macron. Appeler de ses vœux une cohabitation entre le Nouveau Front populaire et Macron, c’est être candidat au rôle d’homme (ou de femme) de paille du capital financier.
Un gouvernement qui voudrait répondre aux besoins les plus urgents de la population remettrait en cause le paiement de la dette, qui n’est pas celle du peuple travailleur. Il rejetterait les diktats des traités européens. Il en appellerait à la mobilisation ouvrière et populaire pour imposer cette rupture et faire respecter le mandat du peuple. En commençant par abroger les institutions de la Ve République (dont la fonction de président) et convoquer une Assemblée constituante composée de délégués du peuple, élus, mandatés et révocables, pour jeter les bases d’une authentique démocratie.