Ah… si cela avait été Darmanin, Borne ou Attal…

Par Daniel Gluckstein

Sans surprise, la motion de censure contre le gouvernement présentée par les députés du Nouveau Front populaire le 8 octobre n’a pas été adoptée.

Cette motion avançait « deux motifs » pour lesquels le gouvernement devait être censuré. D’une part, « les orientations politiques du gouvernement Barnier » que les signataires dénoncent à juste titre. D’autre part, le fait que « le président de la République aurait dû nommer à Matignon la personnalité proposée par le Nouveau Front populaire (…). Charge ensuite à cette personnalité de proposer un gouvernement au président de la République et de chercher à bâtir des majorités texte par texte. »

Imperturbablement, le NFP persiste à revendiquer un gouvernement de cohabitation avec Macron, appuyé sur « des majorités texte par texte ». Autrement dit, un gouvernement d’alliances avec Macron et des secteurs de la macronie. Un tel gouvernement, s’il voyait le jour, serait-il en capacité, politique et institutionnelle, de décréter les mesures d’urgence qui s’imposent pour prendre l’argent là où il est afin de satisfaire les revendications du peuple travailleur et de la jeunesse ? Poser la question, c’est y répondre…

Il y a pire : la motion reproche à Macron d’avoir nommé un Premier ministre membre d’une formation « qui n’a pas clairement appelé au barrage républicain ». Si on comprend bien, si cela avait été Darmanin, Borne, Attal ou un autre dirigeant macroniste ayant « appelé au barrage républicain », le NFP ne l’aurait pas censuré ?

Mais tandis que le Nouveau Front populaire renouvelle ses offres de cogouvernement avec Macron et d’alliances (barrage ou arc ou front républicain ou union nationale…) avec des partis ouvertement procapitalistes… Barnier présente son plan de 60 milliards d’« économies ». Un plan brutalement anti-ouvrier, qui frappe tous les droits des travailleurs, français ou immigrés, dans tous les domaines. La motion de censure du NFP dénonce dans ces projets « les textes les plus austéritaires des vingt-cinq dernières années ». C’est vrai. Et derrière se profilent d’autres plans encore pires, comme celui de l’Institut Montaigne, qui propose des coupes de 150 milliards d’euros sur le dos des travailleurs.

Toute alliance avec un secteur de la classe capitaliste ne peut aboutir qu’à des mesures toujours plus brutales contre les travailleurs et les jeunes. Barrage ou front républicain, c’est toujours l’alliance avec la bourgeoisie. La satisfaction des revendications ouvrières et jeunes ne peut s’imposer à travers une telle coalition. Pour cela, c’est le barrage ouvrier qui est nécessaire, le front uni des travailleurs et des jeunes.

Cela exige de rejeter toute alliance avec Macron et Barnier et de s’orienter résolument sur la voie de la rupture, pas en mots, mais en actes. Forger le front unique des travailleurs et des organisations pour la satisfaction des revendications, pour bloquer le plan de guerre Macron-Barnier, et au-delà pour les chasser, eux, leur politique et leur Ve République : telle est l’orientation que propose le Parti des travailleurs.

N’en déplaise aux hypocrites de tous bords

Par Daniel Gluckstein


En déclarant que « l’État de droit, ça n’est pas intangible, ni sacré », le ministre Retailleau s’est attiré les foudres de toutes les bonnes âmes du monde politique, à gauche comme à droite.

Pourtant, Retailleau n’a fait que dire à haute voix ce que tous savent et partagent. À savoir : « Nous respectons l’État de droit aussi longtemps que cela est compatible avec les intérêts de la classe capitaliste que nous représentons. » 

« L’État de droit », cela suppose qu’il y a un droit. Qui codifie le droit ? Le pouvoir politique. Par conséquent, l’État de droit l’emporte sur la toute-puissance du pouvoir politique tant que celui-ci l’accepte et ne décide pas de modifier le droit. C’est ce qui s’est toujours passé. Ceux qui font mine de se récrier sont des hypocrites. 

Retailleau dit en substance : « Nous avons, nous, les héritiers de la Ve République, construit un édifice juridique sur la base d’un coup d’État en 1958, la force du coup d’État l’emportant sur l’État de droit de la IVe République. Aujourd’hui, à nouveau, la force doit primer le droit, et donc le modifier. » 

Finalement, Retailleau fait en petit ce que Netanyahou fait en grand. Certes, Biden et Macron protestent contre l’intervention israélienne au Liban, invoquent le nécessaire respect de la souveraineté de ce pays, appellent à un cessez-le-feu et à la mise en œuvre des principes et des résolutions des Nations unies. Cela, c’est, côté cour, l’« État de droit ».

À quoi Netanyahou répond qu’il respecte une résolution de l’ONU, celle qui a créé l’État d’Israël et nié le droit du peuple palestinien à exister comme nation souveraine. Biden et Macron le réprimandent, mais, côté jardin… ils continuent de lui livrer des armes pour sa guerre d’extermination à Gaza et sa guerre au Liban. 

Au-delà des nuances, Biden et Macron partagent avec Netanyahou cette conviction : le respect de l’État de droit international s’arrête là où il contrevient aux intérêts de l’ordre capitaliste dans la région. 

N’en déplaise aux hypocrites de tous bords, Retailleau comme Netanyahou disent la vérité de la classe capitaliste pour qui la démocratie et l’État de droit ne peuvent jamais être opposés à leurs plans et à leurs exigences. Pour eux, si la logique d’Israël est le génocide à Gaza, alors Israël s’arroge légitimement le droit d’agir ainsi, un droit qui l’emporte sur tout autre droit. De même qu’en France, si la logique du capital est d’avoir les mains libres pour déployer ses plans anti-ouvriers et d’alimenter dans ce but le racisme et la phobie de l’immigré, alors il faut le faire sans hésiter, quitte à enclencher un mécanisme qui ouvre la voie au Rassemblement national. 

Les organisations qui se réclament du combat émancipateur de la classe ouvrière ont mieux à faire que de se joindre au chœur des pleureuses hypocrites de la réaction. Retailleau dit tout haut la vérité capitaliste : la force prime le droit. C’est de forces qu’il s’agit : il revient aux travailleurs d’unir les leurs, avec leurs organisations, pour construire l’action unie qui, précisément, est seule à même d’inverser le rapport des forces.

Le front des travailleurs

Par Daniel Gluckstein

L’éditorial des Échos reflète généralement l’état d’esprit des cercles dirigeants du capital financier. Celui du 23 septembre ne tarit pas d’éloges pour « le nouveau gouvernement(qui) a de quoi rassurer le monde de l’entreprise ». Les Échos applaudissent « la méthode », le « choix des personnalités », et surtout les « engagements pris par Michel Barnier sur la nécessité de conforter l’attractivité économique de la France », soulignant que « ces engagements ne sont pas passés inaperçus du côté du Medef ! »

Et pour cause… puisque ces engagements consistent à « réduire les dépenses » et« afficher des perspectives ambitieuses de réforme à Bruxelles » ! En clair : un plan de guerre anti-ouvrier se prépare. Car réduire les dépenses de santé, celles des services publics, celles du logement social et engager de nouvelles réformes anti-ouvrières dans la continuité des précédentes, qu’est-ce d’autre que s’en prendre aux travailleurs et à leurs familles ?

La classe capitaliste est donc bien rangée derrière son gouvernement et « rassurée » par lui. Rassurée aussi de voir la « gauche » respecter le cadre fixé. C’est Bompard, de La France insoumise, qui explique, sur France Bleu Provence, combien il serait « absurde »de « s’opposer systématiquement au gouvernement Barnier ». C’est Faure, du Parti socialiste, qui déclare, à propos de sa propre motion de censure, qu’elle est « vouée à l’échec ». C’est Roussel, du Parti communiste, qui va rencontrer Barnier à Matignon en cultivant l’ambiguïté sur une possible participation à un gouvernement qui mettrait en œuvre des mesures progressistes…

Les capitalistes pensent-ils pour autant pouvoir dormir sur leurs deux oreilles ? Certes, il ne peut y avoir de nouvelle dissolution avant dix mois. Certes, l’adoption d’une motion de censure aboutirait à renverser le gouvernement – à condition que le Rassemblement national décide de la voter –, mais Macron toujours en place désignerait un autre Premier ministre – ou le même – chargé de constituer un autre gouvernement aussi pro-capitaliste que celui-ci.

Reste une inconnue : la lutte de classe.

Au front des capitalistes, il est impératif d’opposer le front des travailleurs unis avec leurs organisations, le front des travailleurs qui ne se laissent pas entraver par ceux qui refusent de rompre avec les institutions et avec Macron. Le front des travailleurs qui s’unissent, se confortent mutuellement, se dressent soudés sur leurs revendications légitimes et dans l’action légitime et résolue. Le front des travailleurs qui ne se laissent détourner de l’action de classe ni par la perspective d’une élection présidentielle en 2027 ni par d’hypothétiques perspectives de dissolution (ou de destitution) toutes subordonnées aux règles et au calendrier de la Ve République. Et donc aux exigences de la classe capitaliste.

Opposé au front des exploiteurs jamais rassasiés de profits et de dividendes, le front des travailleurs, c’est le front de ceux qui n’ont que leur travail pour vivre. Ils sont la majorité. C’est à eux, en démocratie, qu’il doit revenir de gouverner.

Quelle perspective politique ?

Par Daniel Gluckstein

Trois mois se sont écoulés depuis l’ouverture de la crise du régime. À ce stade, une seule certitude : le mandat du gouvernement Barnier, s’il voit le jour, sera de porter aux travailleurs et aux jeunes les coups les plus brutaux, pour permettre aux capitalistes de dégager toujours plus de profits.

Face à cela, quelle perspective pour les travailleurs ?

Le contraire d’un gouvernement pro-capitaliste, ennemi des travailleurs, ce serait un gouvernement pro-travailleurs, ennemi de la classe capitaliste. Est-ce cela que propose le Nouveau Front populaire ?

Ce 17 septembre, toutes ses composantes ont voté pour engager l’examen par l’Assemblée nationale de la proposition législative de destitution de Macron. Si Macron était destitué, les travailleurs ne le pleureraient certes pas. Mais cette hypothèse reste hautement improbable, puisque la Constitution exige une improbable majorité des deux tiers dans les deux chambres pour faire aboutir une telle démarche.

Alors, quelle est la perspective ?

Après avoir voté cette proposition, les dirigeants du Parti communiste se sont rendus, le même jour, chez… Barnier, Fabien Roussel en tête ! Que vont-ils y discuter ? On ne sait pas. Mais il est peu probable que cela aboutisse à un gouvernement pro-travailleurs !

Le Parti socialiste, lui, a voté pour enclencher la procédure de débat à l’Assemblée en précisant que, sur le fond, il votera contre la destitution. Il lui préfère le dépôt d’une motion de censure, plus conforme, selon lui, à la Constitution. Là encore, il est peu probable qu’une telle censure soit votée dans un premier temps. Mais le serait-elle, sur quoi déboucherait-elle ? Une autre combinaison de gouvernement de cohabitation, une autre variété de gouvernement pro-capitaliste et anti-travailleurs, présidé par Macron, conformément à la Constitution ?

Quant à La France insoumise, elle a affirmé par la voix de Mélenchon à la Fête de L’Humanité être favorable à la convocation d’une Assemblée constituante, sans en préciser l’échéance. Mais son tract, intitulé « La destitution par l’article 68, comment ça marche ?», indique clairement que l’initiative reste prisonnière des institutions de la Ve République.

Sous des formes différentes, aucune de ces formations ne veut s’engager dans une logique de rupture.

Un parti décidé à chasser Macron et sa politique et les institutions au service du capital devrait avancer une perspective claire : un gouvernement des travailleurs prenant les mesures indispensables à la classe ouvrière et à la jeunesse, financées par la confiscation des crédits militaires et des profits capitalistes. Cette perspective se heurtant aux institutions de la Ve République, un tel parti devrait appeler à forger l’unité d’action des rangs ouvriers pour imposer cette triple exigence de la démocratie. Et y relier la nécessité de convoquer immédiatement une Assemblée constituante chargée de mettre en place une autre République, authentiquement démocratique. Telle est l’issue politique pour laquelle combat le Parti des travailleurs.

Retour aux fondamentaux

Par Daniel Gluckstein

Barnier, c’est plus d’un demi-siècle au service du capital et de la réaction. Lui à Matignon, peu importe les noms des ministres : patrons et spéculateurs dicteront directement la politique du gouvernement et le pousseront à affronter les travailleurs. Ainsi, la classe capitaliste revient à ses fondamentaux : la lutte des classes, capital contre travail.

Et du côté des travailleurs ? Comment faire face au déferlement annoncé d’attaques contre les retraites, les salaires, les services publics, la Sécurité sociale, les travailleurs immigrés ? À quoi se combine la hausse constante des crédits pour la guerre et des cadeaux offerts aux patrons pour leur garantir toujours plus de profits.

Il faut pour cela revenir aux fondamentaux des exploités : la lutte de classe, classe contre classe, pour se préparer au choc qui vient.

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Qui gouverne en réalité ?

Par Daniel Gluckstein

Et si l’objectif de Macron était de prouver que, sous la Ve République, il est possible de gouverner sans gouvernement ni Premier ministre ?

Sur les « affaires courantes », un gouvernement « démissionnaire » suffit à la tâche, on le voit avec la désastreuse rentrée scolaire de Mme Belloubet. Et cela vaut aussi pour l’avenir. Le ministre « démissionnaire » Le Maire annonce des chiffres astronomiques de déficit public. Il désigne les responsables : les collectivités territoriales qui, à l’en croire, seront contraintes, quel que soit le gouvernement, de réduire leurs dépenses !

Y aurait-il trop de crèches et de centres de protection maternelle et infantile ? Accorderait-on trop de crédits à l’entretien des collèges, des lycées, des écoles ? Les tarifs des cantines et les loyers des logements sociaux seraient-ils scandaleusement bas ? Ces logements seraient-ils trop luxueux et trop bien entretenus ? Les employés territoriaux seraient-ils trop nombreux et trop bien payés ?

À écouter le ministre « démissionnaire », cette véritable saignée dans les budgets sociaux serait dictée par l’obligation de réduire la dette publique. Sinon… la France sera punie par les agences de notation et les grandes banques ne lui prêteront plus d’argent.

Les grandes banques ? Elles sont dominées par le capital financier principalement états-unien. Là se situe le cœur des forces sociales qui, certes, ne gouvernent pas directement la France, mais la gouvernent quand même d’une certaine manière, comme d’ailleurs les autres grands pays capitalistes. Un Premier ministre, un président de la République sont les instruments de leurs exigences, Macron peut y mettre sa petite touche, mais le cadre général est fixé par d’autres, loin de l’Élysée… et encore plus loin de Matignon !

Les institutions de la Ve République, comme celles de l’Union européenne, interdisent toute politique qui consacrerait les richesses produites à la satisfaction des besoins du peuple. Elles n’autorisent que des politiques qui prélèvent sur le travail du peuple pour engraisser les capitalistes et les spéculateurs. Macron est là pour veiller, avec tous les moyens que lui donne la Constitution, à ce que les exigences des capitalistes s’imposent en toutes circonstances. On ne peut donc gouverner pour le peuple et gouverner avec Macron. Appeler de ses vœux une cohabitation entre le Nouveau Front populaire et Macron, c’est être candidat au rôle d’homme (ou de femme) de paille du capital financier.

Un gouvernement qui voudrait répondre aux besoins les plus urgents de la population remettrait en cause le paiement de la dette, qui n’est pas celle du peuple travailleur. Il rejetterait les diktats des traités européens. Il en appellerait à la mobilisation ouvrière et populaire pour imposer cette rupture et faire respecter le mandat du peuple. En commençant par abroger les institutions de la Ve République (dont la fonction de président) et convoquer une Assemblée constituante composée de délégués du peuple, élus, mandatés et révocables, pour jeter les bases d’une authentique démocratie.