Dans les limites d’une opposition verbale…

Éditorial de La Tribune des Travailleurs n° 421 du 29 décembre 2023

Par Daniel Gluckstein

C’était en avril dernier. Méprisant les millions de grévistes et de manifestants mobilisés depuis de longs mois contre sa réforme des retraites, Macron venait de la faire « adopter » par un 49-3 à l’Assemblée nationale. Alors que les travailleurs et les jeunes continuaient à défiler au cri de « Macron, démission ! », les dirigeants des partis de la Nupes, eux, se tournèrent vers le président pour le supplier solennellement de ne pas promulguer sa loi. Ce qu’il fit pourtant dès que le Conseil constitutionnel lui en eut donné le feu vert.

On a revécu la même scène la semaine dernière. Allié à l’extrême droite et à la droite, Macron fait passer sa loi raciste, utilisant pour cela les artifices les plus antidémocratiques de la Ve République. Que font les dirigeants de l’ex-Nupes ? Ils écrivent à Macron : « S’il vous plaît, ne promulguez pas. »

Entre ces deux événements, il y a eu, en septembre, ce dîner auquel participèrent les dirigeants de tous les partis de « gauche », de droite et d’extrême droite, douze heures durant, autour de Macron. Et d’autres épisodes encore…

Comme la moule à son rocher, la « gauche » semble ne pouvoir se décrocher de Macron. Lequel s’en félicite bruyamment. Certes, les partis de « gauche » expriment souvent leur désaccord avec la politique présidentielle. Mais ils sont vigilants à rester dans les limites d’une opposition verbale sans conséquence pratique. Pour eux, Macron doit pouvoir continuer son œuvre, au nom du sacro-saint respect dû au président de la Ve République. Ce sont les mêmes d’ailleurs, et pour les mêmes raisons, qui en appellent au sacro-saint respect de l’ONU et de ses résolutions, y compris celle de 1947 qui a imposé la partition de la Palestine, partition à la source du massacre en cours.

N’en déplaise à ces dirigeants, la fonction de président de la République n’a rien de sacré. Elle consiste à assurer la domination capitaliste (c’est le cas aussi pour l’ONU à l’échelle internationale). La Ve République n’est elle-même que l’instrument de la domination de la classe capitaliste, du droit absolu qu’elle s’arroge d’exploiter les travailleurs, de piller les ressources de la nation pour la guerre et pour les spéculateurs, et de déchaîner son appareil répressif quand elle le juge utile. C’est parce qu’ils refusent de rompre avec ces institutions – et les rapports de classe qu’elles protègent – que les dirigeants des partis de « gauche » se placent eux-mêmes dans ce rapport de sujétion à Macron, au mépris de ce qu’attendent d’eux nombre de travailleurs et leurs propres militants. Qu’on ne vienne pas, après cela, se plaindre de l’abstention…

Un parti ne craint pas d’appeler les travailleurs à ouvrir la voie de la rupture par leur propre mobilisation. Un parti appelle à rejeter aussi bien le prétendu droit international de l’ONU, contraire au droit des peuples, que les institutions de la Ve République, contraires à la démocratie. Un parti appelle à rassembler les forces dans la lutte de classe pour briser la politique anti-ouvrière, antisociale, antidémocratique du gouvernement Macron. Son nom ? Parti des travailleurs.