L’obscénité faite système

Éditorial de La Tribune des Travailleurs n° 427 du 14 février 2024

Par Daniel Gluckstein

Elles vont « toujours plus haut » pour engranger « une pluie de records » qu’elles ne cessent de « pulvériser ». Leurs « résultats (…) sont supérieurs aux attentes » et leur garantissent de « continuer à briller » grâce à une « hausse (qui) entretient la hausse ».

« Elles » ? Des sportives de haut niveau dont les exploits sont salués par un commentateur exalté ?

Vous n’y êtes pas.

« Elles », ce sont les « Bourses mondiales au sommet » auxquelles « l’indice de Wall Street, dopé à l’intelligence artificielle, a donné des ailes », si l’on en croit le quotidien Les Échos qui leur consacre sa une ce 13 février.

Lecteurs de La Tribune des travailleurs, vous avez peut-être du mal à comprendre en quoi les mouvements de la Bourse vous concernent ?

Des centaines de milliards de dollars de dividendes sont versés chaque année aux actionnaires dont les capitaux prospèrent sur les places boursières. 568 milliards de dividendes(1)  pour le seul second semestre de 2023 : « Un nouveau record (…) avec une tendance encore plus accentuée en France », souligne Sud Ouest, qui note que pourtant la « croissance économique traîne le pas en France ».

Distribuer toujours plus de dividendes en produisant moins de richesses : comment un tel miracle est-il possible ? En réduisant les coûts de production, en maniant l’arme de l’inflation et en écrasant les salaires, en reportant sur les travailleurs toujours plus de charges, en étranglant toujours plus services publics, écoles et hôpitaux, en réduisant les remboursements de la Sécurité sociale, en aggravant les conditions d’exploitation des travailleurs les plus précaires. Bref : en prélevant directement sur la force de travail de quoi nourrir les appétits des capitalistes et des spéculateurs.

Les Échos ont beau être un journal sérieux, de ses articles du 13 février suinte une répugnante obscénité. L’obscénité d’un système capitaliste content de lui-même et de son opulence, un système dans lequel ceux qui exploitent s’engraissent toujours plus tandis que des milliards d’êtres humains dans le monde ne peuvent manger à leur faim, n’ont pas de toit au-dessus de leur tête, quand ils ne sont pas contraints de fuir la guerre et les bombardements.

Voilà pourquoi les travailleurs en France ne sauraient accepter la fausse alternative politique à laquelle on voudrait les réduire : ou bien l’extrême droite ou bien le consensus autour d’un « sauveur de la démocratie » façon Ve République. Pas davantage ne peuvent-ils se reconnaître dans une vague référence à la « gauche » en général opposée à la droite en général, ou s’en remettre à un « mouvement gazeux » qui prétend représenter le « peuple » opposé aux oligarques.

La situation est grave qui voit s’aiguiser chaque jour davantage l’antagonisme entre la classe des exploiteurs et celle des exploités. Un parti des travailleurs digne de ce nom se doit d’afficher clairement l’objectif du combat : un gouvernement des travailleurs qui ne pourra surgir que de l’action unie des travailleurs eux-mêmes, sur leur propre terrain de classe, contre la classe des exploiteurs et son système obscène.

(1) Versés par les 1 200 plus importantes entreprises dans le monde.