Retour à la normale ?

Editorial de La Tribune des Travailleurs n° 424 du 24 janvier 2024

Par Daniel Gluckstein

Annonçant une hausse de près de 10 % des tarifs de l’électricité, le gouvernement précise qu’il s’agit d’un « retour à la normale ». Retour à la normale ? On en est déjà à 44 % d’augmentation en deux ans et le ministre Le Maire promet qu’il n’y en aura pas d’autre… avant l’an prochain !

Retour à la normale ? Des familles qui déjà ne peuvent plus payer le pourront encore moins, renonceront à se chauffer, à s’éclairer…

Retour à la normale ? Des boulangers s’apprêtent à mettre la clef sous la porte car, comme le dit l’un d’eux, « les gens ne vont quand même pas acheter la baguette à 2 ou 3 euros ! »

Et le doublement de la franchise médicale sur les boîtes de médicaments et les actes médicaux, retour à la normale aussi ?

Tout cela pour quoi, au fait ?

L’État a besoin de 12 milliards d’euros, nous explique doctement le ministre Le Maire. Où les prendre, sinon dans la poche des travailleurs ?

Hier, le service public de l’énergie avait pour mission de garantir à tous l’accès à l’électricité. Hier, la Sécurité sociale garantissait tous les travailleurs et leurs familles contre les aléas de la vie, en particulier contre la maladie. Aujourd’hui, l’État voudrait transformer l’un et l’autre en instruments de pillage des maigres ressources de millions de familles les plus modestes et de destruction de leurs droits !

Deux logiques s’opposent : ou bien la garantie des droits ou bien leur démantèlement.

Pour les organisations issues du mouvement ouvrier, la réponse devrait s’imposer d’elle-même : il faut revenir au monopole des services publics, une seule entreprise publique sur tout le territoire garantissant des tarifs d’électricité bloqués auxquels peuvent accéder toutes les familles ; et le retour à la Sécurité sociale fondée sur le salaire différé garantissant à tous la protection contre les aléas de la vie. En un mot : le retour aux conquêtes arrachées par la vague ouvrière révolutionnaire de 1945-1946.

Telle devrait être la position commune de tout le mouvement ouvrier. Et qu’on ne se laisse pas prendre au piège des « déficits », de la « dette » et autres balivernes. Car enfin… pourquoi les 12 milliards réclamés par l’État ne seraient-ils pas prélevés sur les 413 milliards de la loi de programmation militaire, ou sur les 100 milliards de dividendes versés aux actionnaires des entreprises du CAC 40 en 2023 ?

Rien ne s’oppose à ce que l’unité ouvrière se réalise pour la reconquête du monopole public et de la Sécurité sociale de 1945, deux conquêtes dont tous les travailleurs savent l’efficacité, qu’il s’agisse de la protection contre la maladie ou de l’accès à l’énergie. Le front unique solide des organisations ouvrières pour l’imposer peut contribuer à la mobilisation qui contraindra le gouvernement à reculer.

Et que l’on ne vienne pas nous dire que ce gouvernement refusera. Il refusera, sans doute, car c’est un gouvernement au service des capitalistes. Il faudra donc soit le lui imposer, soit qu’un autre gouvernement rétablisse nos droits. Quel gouvernement ? Un gouvernement au service de l’immense majorité. Un gouvernement des travailleurs et de la démocratie.