Surdité ?

Par Daniel Gluckstein

Il y a un reproche qu’on ne peut pas faire à Macron, c’est d’avancer masqué. Dans l’« auto-interview » qu’il a postée sur X le 11 mai, il a été direct : « On a un modèle qui pendant des décennies a fonctionné, qui a permis de financer le modèle social (…) le plus généreux du monde (…), eh bien aujourd’hui, on a un grand risque de décrochage (…), on réglemente trop. » D’où la dé-réglementation contre la Sécu, les retraites, les chômeurs, etc., véritable guerre à l’intérieur contre les travailleurs et les jeunes.

Direct encore, Macron, concernant la guerre à l’extérieur, en Ukraine : « Il faut être dissuasifs et crédibles vis-à-vis parfois de nos adversaires en leur disant “si vous allez trop loin et que vous menacez mes intérêts, ma propre sécurité, alors je n’exclus pas d’intervenir.” »

L’éditorial du Figaro (14 mai) prend l’avertissement au sérieux : « L’heure approche (…) : si Moscou “ne doit gagner sous aucun prétexte”, comme le répète Emmanuel Macron, sa “bravade stratégique” d’envoyer des soldats en Ukraine n’est peut-être pas si loin de se concrétiser. »

L’heure approche en effet… Mais les responsables politiques des partis de « gauche » semblent ne pas entendre la menace répétée de Macron d’envoyer des troupes en Ukraine. Tous semblent frappés de surdité, même La France insoumise qui, à juste titre, mène campagne pour un cessez-le-feu à Gaza et l’arrêt des livraisons d’armes à Israël.

Il est vrai que tous sont, comme Macron, partisans de l’armement de l’Ukraine. Manon Aubry, tête de liste LFI aux élections européennes, l’a une nouvelle fois répété le 13 mai dans un entretien sur Euractiv : il faut « continuer à aider logistiquement et militairement l’Ukraine ».

En vérité, ce n’est pas de surdité que souffrent les responsables politiques de la « gauche » : c’est de connivence politique avec Macron. Pas sur toute sa politique, bien sûr. Mais être d’accord avec Macron sur l’armement de l’Ukraine, c’est se priver de combattre sa politique dans son ensemble. Car cette politique est cohérente, elle forme un tout : guerre à l’extérieur contre les peuples, guerre à l’intérieur contre les travailleurs et la jeunesse.

On ne peut pas, d’un côté, critiquer les coupes budgétaires dans les hôpitaux, dans les écoles… et, de l’autre, approuver les milliards pour la guerre en Ukraine. Car ces milliards sont prélevés sur les services publics et sur les droits des travailleurs en France.

On ne peut pas dénoncer la guerre à Gaza et approuver la guerre en Ukraine. Car dans ces deux cas, c’est le système capitaliste décomposé qui nourrit ces guerres, c’est pour sa survie qu’elles se prolongent pour le plus grand malheur des peuples et le plus grand bonheur des marchands de canons de toutes nationalités.

Une seule position est conforme aux luttes qui se multiplient et qui voient les travailleurs rejeter la « trêve olympique » de Macron pour revendiquer leurs droits : aucune coupe, aucune attaque, aucune remise en cause des droits, satisfaction des revendications ! Et pour cela : non à la guerre, les milliards pour les hôpitaux, les écoles et les salaires !