Une blague ? Bien au contraire…

Éditorial de La Tribune des Travailleurs n° 428 du 21 février 2024

Par Daniel Gluckstein


Macron disposant de cinq pages dans L’Humanité (19 février), une blague ? Bien au contraire… Le directeur du journal (et sénateur du Parti communiste français), Fabien Gay, a beau prétendre que cette interview met « le chef de l’État face à ses contradictions », elle constitue un véritable plaidoyer en faveur de sa politique.

Les inégalités ? « J’ai augmenté de façon inédite les budgets de l’Éducation nationale, de la justice et de la santé. Grâce à tout cela, la France est un des pays au monde où les inégalités après redistribution sont les plus faibles. » L’immigration ? Macron appelle le Parti communiste à le rejoindre : « Ne laissez pas le combat contre l’immigration clandestine à l’extrême droite, ce combat est républicain. » L’Humanité « Je (la) lis tous les matins », d’ailleurs « tous les titres indépendants qui rencontrent des difficultés trouvent auprès de l’État un appui financier. » La répression des manifestations ? Macron reconnaît « avoir révisé notre doctrine de maintien de l’ordre » et salue « l’esprit de responsabilité des forces syndicales ». Les retraites ? « Beaucoup d’électeurs de gauche étaient très opposés à la réforme », mais Macron lui-même ne l’a pas faite « de gaité de cœur ». Il fallait oser…

Au fait… dans quel but cette tribune généreusement offerte dans les colonnes de L’Humanité ?

Tout s’éclaire quand la question est posée à Macron à propos de son engagement, en 2022, à tout faire pour que les électeurs ne votent plus pour Le Pen : « Quelle leçon tirez-vous de cet échec ? » Réponse : « Ce serait un échec si Marine Le Pen était ici à ce bureau à vous parler. » L’Humanité objecte : « Cela n’est pas impossible que cela arrive en 2027. » À quoi Macron oppose « la capacité à unir des démocrates sociaux jusqu’à la droite pro-européenne et raisonnable » car c’est « la condition pour accéder au second tour et la défaire ».

À cet endroit précis de l’interview, ce n’est plus de 2022 qu’il s’agit, mais de 2027 : se prépare ici le ralliement au futur candidat macroniste face à l’extrême droite. C’est pourquoi cette interview évite les sujets qui fâchent, comme cette demi-page où Macron s’exprime sur Gaza sans que la question ne lui soit posée de la poursuite des livraisons d’armes à Israël !

Le principal ennemi des travailleurs aujourd’hui dans ce pays, c’est Macron. Défendre la démocratie et les intérêts ouvriers impose de combattre pour le faire reculer sur chacune de ses attaques contre le Code du travail et la Sécurité sociale, contre les services publics et les travailleurs immigrés, contre l’école…

Ou bien forger l’unité des rangs ouvriers pour défaire Macron maintenant et le chasser au plus tôt ; ou bien lui servir de marchepied et lui permettre de poursuivre sa politique anti-ouvrière et antidémocratique qui ouvre la voie à l’extrême droite. Ces deux options sont contradictoires.

Le Parti des travailleurs se situe sur un terrain de classe. Il n’aura de cesse de combattre pour l’unité des rangs ouvriers, contre Macron et sa politique anti-ouvrière, contre la Ve République, pour le gouvernement des travailleurs et de la démocratie.