« Vital », vous avez dit « vital » ?

Par Daniel Gluckstein

On peut être un vieux politicien réactionnaire et expérimenté et perdre pourtant le sens du ridicule. François Bayrou vient de déclarer : « Le 49-3, c’est vital dans la Ve République quand on n’a pas de majorité. »

En bon français, est vital ce qui est « essentiel à la vie ». Alors, comment Bayrou peut-il désigner comme vital un plan Barnier qui réduit le remboursement des médicaments, remet en cause les congés maladie, supprime en masse les emplois dans les services publics, bloque les pensions et maintient le report de deux ans du départ à la retraite, autant de mesures qui diminuent l’espérance de vie en bonne santé de l’immense majorité de la population ?

On l’a compris, ce qui est vital pour Bayrou, ce sont les profits des capitalistes. Et il a raison d’affirmer que le 49-3 permettra de les défendre en toutes circonstances, même sans majorité à l’Assemblée nationale.

Conclusion : ceux qui, dans le mouvement ouvrier, appellent les travailleurs à faire confiance aux manœuvres du Palais-Bourbon pour la défense de leurs intérêts, ceux-là conduisent les travailleurs dans une impasse.

Ce qui est vital pour les travailleurs, c’est de bloquer les plans meurtriers du gouvernement Macron-Barnier.

Trois questions sont posées. Premièrement, oui ou non, s’agit-il de préparer le « tous ensemble » ? La réforme des retraites frappe tous les travailleurs, tout comme l’augmentation du ticket modérateur de la Sécurité sociale qui reste à la charge des assurés sociaux et la remise en cause des services publics. Donc tous les travailleurs sont concernés. Ne nous laissons pas diviser entre fonctionnaires et travailleurs du privé.

Deuxième question : quel est l’objectif du combat qui se prépare ? Il est du devoir de chacun de se prononcer clairement sur cette question. S’agit-il, oui ou non, de bloquer le plan Barnier, qui ne peut se négocier ni en tout ni en partie ? Chacune de ses mesures doit être retirée. L’objectif de la lutte est clair : bloquer le plan, imposer son retrait.

D’où la troisième question. Cet objectif – vital celui-là pour l’immense majorité de la population – ne peut pas être borné par l’impératif de préserver le gouvernement et les institutions. Si pour sauver les droits ouvriers et empêcher un nouveau plongeon dans la misère, plus grave encore que les précédents ; si pour empêcher que disparaisse la Sécurité sociale de 1945, il faut chasser le gouvernement et aussi les institutions réactionnaires de la Ve République, il n’y a pas lieu d’hésiter. S’il faut ouvrir la voie à un gouvernement et à des institutions de la majorité, celle qui n’a que son travail pour vivre, alors les travailleurs ne doivent pas craindre la rupture. Au contraire, c’est en rassemblant ses forces pour bloquer en totalité le plan Barnier de destruction de la Sécurité sociale que la classe ouvrière ouvre la voie à l’établissement d’un gouvernement authentiquement démocratique de défense et de reconquête des droits ouvriers.