“Frappons les pauvres, ils sont plus nombreux !”

Par Daniel Gluckstein

C’est un véritable tsunami social qui s’apprête à déferler sur les travailleurs les plus précaires et les plus fragiles : ceux qui sont privés d’emploi. À partir du 22 mai, la ministre Vautrin présente aux organisations syndicales le plan du gouvernement de « réforme » de l’assurance chômage. Ce plan comprend en particulier deux mesures : le report du déclenchement des droits pour une proportion très importante de chômeurs ; la baisse de la durée maximale d’indemnisation de plusieurs mois.

Selon les estimations de l’Unédic, plus du quart des chômeurs pourraient ainsi voir le déclenchement de leurs droits reporté de plus d’un an… un an de plus sans un seul euro venant de l’assurance chômage ! Selon le résumé qu’en fait le journal du capital Les Échos, ces mesures toucheraient « surtout les publics les plus fragiles : jeunes de moins de vingt-cinq ans, allocataires les moins bien indemnisés (…) et fins de contrat précaire ». Au total, toujours selon l’Unédic, ce pourraient être 7,5 milliards d’euros qui seraient ainsi, chaque année, volés purement et simplement aux chômeurs pour passer sous le contrôle de l’État ! 7,5 milliards volés aux chômeurs alors que cela relève du salaire différé, des droits collectifs de la classe ouvrière face au risque de perte d’emploi.

7,5 milliards… alors que l’assurance chômage est annoncée comme largement excédentaire pour les prochaines années.

7,5 milliards volés aux chômeurs, pourquoi ? Même l’éditorialiste des Échos met en doute les explications bidon du gouvernement : « Si l’Élysée martèle que l’objectif premier n’est pas de réduire les dépenses mais d’inciter à la reprise de l’emploi, l’enjeu budgétaire est majeur. Ce sont plusieurs milliards d’économies qui sont en passe d’être réalisés. »

« Sire, taxons les pauvres, ils sont plus nombreux. » Cette phrase que Colbert aurait adressée à Louis XIV est devenue la ligne de conduite de ce gouvernement. Par tous les moyens, Macron et Attal sont prêts à précipiter des millions de travailleurs dans la misère… pour mieux exonérer les capitalistes du salaire différé qu’ils doivent… et pour mieux financer la guerre !

Alors, bien sûr, ceux qui mettent en garde contre la montée de l’extrême droite ont raison : l’extrême droite est un danger qu’il faut combattre. Mais prenons garde : il n’y a pas eu besoin d’attendre l’arrivée au pouvoir de Mme Le Pen et de M. Bardella pour voir les mesures les plus violemment anti-ouvrières frapper les travailleurs et la jeunesse.

C’est maintenant que Macron-Attal veulent faire déferler sur les chômeurs un tsunami de destruction et de dégradation sociales. C’est maintenant que dans l’unité il faut s’y opposer. C’est maintenant que le combat uni doit permettre de bloquer les politiques réactionnaires anti-ouvrières, anti-chômeurs, anti-jeunes du gouvernement. C’est maintenant, dans le combat pour en finir avec la politique de ce gouvernement, que les choses doivent s’ordonner.

Parce que c’est maintenant que la classe ouvrière et la jeunesse sont menacées dans leur existence.

Surdité ?

Par Daniel Gluckstein

Il y a un reproche qu’on ne peut pas faire à Macron, c’est d’avancer masqué. Dans l’« auto-interview » qu’il a postée sur X le 11 mai, il a été direct : « On a un modèle qui pendant des décennies a fonctionné, qui a permis de financer le modèle social (…) le plus généreux du monde (…), eh bien aujourd’hui, on a un grand risque de décrochage (…), on réglemente trop. » D’où la dé-réglementation contre la Sécu, les retraites, les chômeurs, etc., véritable guerre à l’intérieur contre les travailleurs et les jeunes.

Direct encore, Macron, concernant la guerre à l’extérieur, en Ukraine : « Il faut être dissuasifs et crédibles vis-à-vis parfois de nos adversaires en leur disant “si vous allez trop loin et que vous menacez mes intérêts, ma propre sécurité, alors je n’exclus pas d’intervenir.” »

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L’unité du combat pour la paix

Par Daniel Gluckstein

Le 2 juin prochain, à la tribune du meeting internationaliste organisé par le Parti des travailleurs, se tiendront côte à côte un militant russe opposé à la guerre organisée par Poutine, un militant ukrainien opposé à la guerre organisée par le gouvernement Zelensky et l’OTAN, un militant palestinien combattant pour une seule Palestine laïque et démocratique sur tout le territoire historique de la Palestine.

Cette présence exprime l’unité du combat pour la paix. Car c’est une seule et même guerre que, sous des formes différentes, mène l’impérialisme. Au Moyen-Orient pour y maintenir le système d’oppression coloniale et de discrimination imposé au peuple palestinien ; et en Europe où la mort et la désolation ravagent les peuples en conséquence de la lutte que se livrent deux blocs d’oligarques et de multinationales avides de profits et de zones d’influence.

Le combat pour la paix et la fraternité entre les peuples suppose de ne pas financer la guerre, ni d’un côté ni de l’autre. En France, cela passe par cette double revendication : arrêt des livraisons d’armes à Israël, arrêt du financement de la guerre en Ukraine. Ces exigences s’opposent au va-t-en-guerre Macron, qui ne manque aucune occasion d’en rajouter dans la radicalité guerrière : « Si les Russes devaient aller percer les lignes de front, s’il y avait une demande ukrainienne, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, on devrait légitimement se poser la question » d’une intervention directe française en Ukraine, a-t-il déclaré le 2 mai.

Et de préciser : « Quelle crédibilité auraient les Européens qui auraient dépensé des milliards, qui auraient dit que c’est la survie du continent qui se jouait là et qui ne se seraient pas donné les moyens de stopper la Russie ? Donc oui, nous ne devons rien exclure. » Si l’on comprend bien Macron, l’ampleur des sommes investies en Ukraine par les gouvernements de l’Union européenne, l’OTAN et les États-Unis exige un retour sur investissement. Pour que leurs intérêts impérialistes l’emportent en Ukraine, tout doit être mis en œuvre. Ce que dit ouvertement le maire d’extrême droite de Béziers, Robert Ménard, en appui aux propos de Macron : « Je suis prêt à ce que des jeunes garçons et des jeunes filles aillent se faire tuer pour l’Ukraine. »

Les choses sont dites clairement : des milliards sont investis dans la guerre en Ukraine, ils doivent rapporter par tous les moyens.

Ce qui pose une question : comment appeler ceux qui, « à gauche », affirment s’opposer à l’envoi des troupes, mais ont voté et votent (lire page 3 dans ce journal) toutes les demandes de financement de la guerre en Ukraine ? Dans le meilleur des cas, on les désignera comme des hypocrites.

« Pas un sou, pas une arme, pas un homme pour la guerre ! » : ce mot d’ordre tisse un lien d’unité et de fraternité entre tous les peuples, de Moscou et Kiev à Gaza, Washington et Paris.

C’est une seule et même guerre qu’il faut combattre

Par Daniel Gluckstein

À l’heure où ces lignes sont rédigées, le monde a les yeux tournés vers Rafah. Si l’intervention annoncée de l’armée israélienne avait lieu, elle y ferait des milliers de victimes s’ajoutant aux près de 40 000 morts déjà provoquées.

Au même moment, la guerre s’intensifie au centre de l’Europe. Macron franchit un cran en proposant une « défense européenne » mutualisant l’arme nucléaire.

Le monde marche à la guerre…

Pourtant, ceux qui, « à gauche », condamnent le soutien apporté par les gouvernements capitalistes à Netanyahou refusent de condamner le soutien apporté par les mêmes gouvernements à Zelensky. Les mêmes qui, « à gauche », demandent l’arrêt des livraisons d’armes à Israël refusent de condamner les livraisons d’armes à l’Ukraine. Pire, au Congrès américain comme au Parlement européen, ces « députés de gauche » votent pour ces livraisons d’armes.

Les deux questions peuvent-elles être séparées ? En soumettant au vote le même jour et dans un même mouvement les 61 milliards d’« aide à l’Ukraine » et les 26 milliards d’« aide à Israël », Biden a parlé clairement : c’est une seule et même guerre qu’il mène contre les travailleurs et les peuples.

Macron le sait, membre de la même alliance – l’OTAN –, dirigée par l’impérialisme américain.

On nous objecte parfois : « L’Ukraine, ce n’est pas pareil » car, en face, Poutine la menace. Que Poutine soit un ennemi de la classe ouvrière, de la démocratie et des libertés, cela ne fait aucun doute. Mais qui peut croire que c’est par amour de la liberté et de la souveraineté des peuples que Macron finance la guerre en Ukraine ? Si sa motivation était d’aider un peuple soumis à l’invasion étrangère, pourquoi n’arme-t-il pas le peuple palestinien qui, depuis soixante-quinze ans, est victime de la colonisation israélienne ?

Non, personne ne peut croire que Macron et Biden sont poussés par l’amour de la liberté. C’est la préservation de l’« ordre » impérialiste qui les amène à s’engager au Moyen-Orient derrière Netanyahou. C’est pour défendre les intérêts des oligarques de Washington et de Paris contre ceux des oligarques de Moscou qu’ils s’engagent en Ukraine.

Biden, Macron et Poutine sont d’accord sur un point : les « grandes puissances » ont le droit de décider à la place des peuples. Leur désaccord porte sur un point : les décisions doivent-elles être prises à Washington ou à Moscou ?

La politique de chaque gouvernement impérialiste forme un tout. En ce qui concerne les travailleurs et les jeunes en France, ils constatent que ce gouvernement Macron mène à l’extérieur une guerre pour défendre les intérêts capitalistes de la même manière qu’il mène en France la guerre contre les intérêts des travailleurs et de la jeunesse.

Voilà pourquoi le mot d’ordre « Pas un sou, pas une arme, pas un homme pour la guerre ! » s’oppose aussi bien à la politique de Macron à l’extérieur – au Moyen-Orient, en Europe centrale, en Afrique… – qu’à sa politique à l’intérieur contre les travailleurs et la jeunesse.

Établir les faits pour comprendre et agir

Par Daniel Gluckstein

Fabriquer un journal est un art : rédiger titres, sous-titres, intertitres, choisir ce qui sera en gros et ce qui sera en petit, dire les faits, certes, mais sans contrarier les options politiques du propriétaire du journal…

Prenez Les Échos du 22 avril. Un titre barre une page, en gros caractères : « Une aide massive à l’Ukraine franchit une étape cruciale au Congrès américain ». Soixante et un milliards de dollars, c’est une somme en effet ! En petits caractères, cette précision : « L’essentiel de l’enveloppe bénéficiera à l’armée américaine et aux entreprises de défense du pays. » En tout petits caractères, le détail de cette « aide » : 23 % des 61 milliards permettront « à l’Ukraine de se réarmer en achetant des équipements et des munitions à l’industrie de défense américaine » et 38 % iront « au réapprovisionnement des systèmes d’armes et de munitions de l’armée américaine ». Grâce à quoi il sera possible, se félicite le chef des républicains au Sénat, « de reconstruire et de moderniser notre armée, de restaurer notre crédibilité (…) pour garantir nos intérêts ».

Ainsi donc plus de 61 % des sommes promises « à l’Ukraine » iront directement à l’armée des États-Unis et à son industrie de guerre ! Sans parler du reste de ces crédits qui, pour une bonne part, servira aussi à faire fructifier le capital financier…

Les Échos soulignent que cette « aide à l’Ukraine » a vu le jour grâce à l’accord au Congrès entre démocrates et républicains. Mais le quotidien des capitalistes oublie de signaler que parmi les démocrates siègent deux députés « socialistes » qui ont voté comme les autres l’aide à l’armée et à l’industrie de guerre. Ainsi va un certain journalisme, avec les informations que l’on minimise, celles que l’on maximise, celles que l’on passe sous silence…

À propos de ces « socialistes » américains d’une générosité sans limites pour la guerre, on notera que la représentante de leur parti – Democratic Socialists of America (DSA) –s’exprimera bientôt dans une assemblée publique à Paris. L’hebdomadaire qui annonce sa venue oublie de préciser que les députés de ce parti viennent de voter 61 milliards pour la guerre américaine. Décidément, faire un journal est un art …

À La Tribune des travailleurs, nous ne pratiquons pas cet art. Notre journal est rédigé et fabriqué par des militants ouvriers qui estiment devoir établir devant les travailleurs les faits afin qu’ils puissent comprendre pour agir. Les faits sur la guerre qui se propage au centre de l’Europe. Les faits sur la véritable nature de « l’aide » des États-Unis et de l’Union européenne qui n’a pour objectif ni la paix, ni la démocratie, ni la souveraineté de l’Ukraine.

Lecteurs qui êtes résolument opposés à la guerre que se font les oligarques de tous bords en sacrifiant la vie de centaines de milliers de travailleurs et de jeunes d’Ukraine et de Russie ; vous qui partagez notre volonté de mettre un terme à une boucherie dont le seul fondement est la recherche du profit capitaliste : 
rejoignez-nous dans la campagne autour de l’appel « Pas un sou, pas une arme, pas un homme pour la guerre ! »

Un scandale peut en cacher un autre

Ils ont raison tous ceux – journalistes et représentants de la gauche, de la plus modérée à la plus extrême – qui dénoncent le scandale des émoluments proposés au P-DG de Stellantis, Carlos Tavares : plus de 36 millions d’euros, en augmentation de 56 % par rapport à l’année précédente ! Trente-six millions d’euros : 2 000 fois le salaire d’un ouvrier de Stellantis !

Scandaleux, en effet ! Mais faut-il s’arrêter là ?

Les premiers à dénoncer les sommes exorbitantes promises à Tavares ont été… certains des actionnaires de Stellantis. Mais au fait : où seraient allées les sommes soustraites à Tavares si telle avait été la décision ? Aux actionnaires sans doute.

Il faut dire que cette entreprise a réalisé sur l’année écoulée plus de 18 milliards d’euros de bénéfices sur lesquels près de 8 milliards seront distribués aux actionnaires, sous forme de dividendes et de rachats d’action. Traduisons : quand Tavares va gagner l’équivalent du salaire de 2 000 ouvriers, les actionnaires vont empocher l’équivalent du salaire de plus de 400 000 ouvriers !

C’est d’ailleurs vrai pour l’ensemble de l’industrie automobile. L’agence de presse spécialisée dpa-AFX, qui fait autorité en la matière, indique que pour l’année écoulée les seize groupes automobiles les plus importants ont réalisé un chiffre d’affaires total de plus de 2 000 milliards d’euros et un bénéfice avant intérêts et impôts de 176 milliards ! Cela représente le salaire durant la même période de plus de 9 millions d’ouvriers de l’automobile. Et on peut évaluer la part de ces bénéfices reversés aux actionnaires à l’équivalent du salaire de 4 millions d’ouvriers.

C’est pourquoi, à ceux qui s’émeuvent – plus ou moins sincèrement selon les cas – des revenus accordés à Tavares, les travailleurs sont en droit de dire : regardez au-delà de Tavares, le scandale, c’est le système capitaliste lui-même qui transforme en profits et dividendes la sueur, la santé et le sang arrachés à l’ouvrier parfois dans les pires conditions d’exploitation !

Cela a un rapport avec la question de la guerre. La même dépêche de l’agence dpa-AFX indique que l’un des problèmes auxquels sont confrontés les constructeurs automobiles américains, européens et japonais, c’est que les ventes en Chine sont au point mort, qu’il faudrait les dynamiser, surtout qu’au même moment les constructeurs chinois de voitures électriques envahissent « nos » marchés nationaux. En un mot : l’heure est venue pour ces dirigeants capitalistes que la Chine soit mise au pas. Cela n’a-t-il pas un rapport avec la menace d’extension de la guerre impérialiste, en direction de la Chine particulièrement ?

Alors que la situation des travailleurs et des jeunes ne cesse de se dégrader, tandis que la marche à la guerre étend son ombre inquiétante sur tous les continents, les mots d’ordre simples de « confiscation des dividendes et des profits ! », de « socialisation des moyens de production ! » et de « gouvernement des travailleurs » pour les mettre en œuvre sont plus que jamais à l’ordre du jour.

À bas la guerre ! À bas l’exploitation ! À bas le capitalisme !

Quand tous les pauvres s’y mettront

Par Daniel Gluckstein

On connaissait le nettoyage ethnique, de sinistre réputation. Voici venu le temps du nettoyage social. À l’approche des Jeux Olympiques, les sommets de l’État sont pris de frénésie. C’est par cars entiers que l’on déporte les personnes sans abri et les demandeurs d’asile loin de la capitale. Pour ces derniers, c’est souvent une étape avant l’expulsion pure et simple à l’extérieur des frontières en application des tristement célèbres « obligations de quitter le territoire français » (OQTF). Vite, vite, il faut chasser ces pauvres qui défigurent notre belle capitale que des millions de « touristes olympiques » s’apprêtent à investir. 

Comment ne pas penser au Tartuffe de Molière : couvrez cette misère que le monde entier ne saurait voir. 

À vrai dire, c’est dans tous les domaines que règne la tartufferie, autrement dit l’hypocrisie généralisée. Ainsi, Macron vient de lancer un appel en commun avec le président égyptien Sissi et le roi de Jordanie pour un cessez-le-feu immédiat à Gaza. Mais le même Macron continue à faire livrer des armes à Israël, au moment même où se prépare – au vu et au su de tous car Netanyahou et sa bande ne s’en cachent pas – ce qui pourrait être la phase finale du massacre à Gaza. Macron en appelle au cessez-le-feu… et livre les armes qui intensifient le feu ! Tartuffe encore : cachez ma participation de fait au génocide, le peuple ne doit rien en savoir…

Sur cette question cruciale de la paix ou de la guerre, la « gauche » en France se divise en deux camps : les Glucksmann et autres « socialistes » et Verts qui votent les crédits de guerre et en rajoutent toujours plus dans le registre des va-t-en-guerre ; et ceux qui parlent de paix, mais votent aussi les crédits de guerre pour l’Ukraine. Telle Manon Aubry (LFI) qui se vante sur France Inter (17 mars) d’avoir « voté 32 résolutions de soutien à l’Ukraine au Parlement européen », la plupart de ces résolutions comprenant un soutien financier et militaire au gouvernement Zelensky. Tartuffe toujours : couvrez ces votes qui attisent le feu de la guerre en Ukraine au lieu de l’éteindre, couvrez ces votes de guerre dont le « peuple de gauche » doit tout ignorer. 

De gauche ou de droite, les Tartuffe des temps modernes ne méritent pas d’être jugés sur ce qu’ils disent d’eux-mêmes ni même sur ce qu’ils disent en général, mais sur leurs actes, exclusivement. 

Mais le règne des hypocrites ne durera pas éternellement. À quelques jours de la commémoration par le Parti des travailleurs de la Commune de Paris, premier gouvernement ouvrier de l’histoire, on se souviendra de la Semaine sanglante et des paroles composées par le communard Jean-Baptiste Clément dans les jours qui ont suivi ce terrible massacre : « Jusques à quand les gens de guerre tiendront-ils le haut du pavé ? »

Et aussi… « Ça branle dans le manche, les mauvais jours finiront et gare à la revanche quand tous les pauvres s’y mettront. »

Ils parlent de paix et agissent pour la guerre

Par Daniel Gluckstein

« Le prochain bulletin de vote, vous choisirez entre la paix et la guerre », a déclaré Jean-Luc Mélenchon à son arrivée à la Réunion le 30 mars. À propos des élections européennes, il a précisé : « En dehors de la liste insoumise, je ne sais pas qui se réclame de la paix. »

En cette période d’escalade guerrière dans le monde entier, alors que Macron multiplie les déclarations provocatrices pour un engagement militaire en Ukraine, la question de la paix ou de la guerre est un motif d’inquiétude grandissante pour les travailleurs et les jeunes.

On aimerait pouvoir faire confiance à Mélenchon. Certes, un bulletin de vote ne suffira pas à ramener la paix. Mais s’il peut y contribuer, pourquoi pas ?

Ce bulletin dont parle Mélenchon mentionnera en premier le nom de Manon Aubry, puisque cette députée européenne sortante conduira la liste.

Or que dit Manon Aubry sur la paix et sur la guerre ?

Le 29 mars, sur France Inter : « Vous savez, moi, je n’ai aucune honte parce que j’ai soutenu tous les textes en soutien à l’Ukraine, soutien financier, soutien logistique, soutien militaire au Parlement européen. »

Le 26 mars, dans l’émission « Quotidien » sur TMC : « Je vais vous dire la chose suivante très clairement : on a voté 50 milliards d’euros il y a de cela un mois et demi au Parlement européen et j’ai voté pour. »

Le 1er mars déjà, sur France Info, à propos « des gestes de solidarité » avec l’Ukraine : « Cette semaine par exemple, on a voté 50 milliards d’euros d’aide à l’Ukraine, que j’ai votés bien volontiers. »

Manon Aubry ne se contente pas de parler, elle agit. À sept reprises au moins, elle a voté pour que l’Union européenne fournisse à Zelensky les milliards nécessaires à la poursuite de la guerre et des souffrances qui accablent les peuples ukrainien et russe*.

C’est cela, la « paix » ?

Mélenchon, qui figure sur la liste d’Aubry, n’a jamais désavoué ses votes. Réélue, elle continuera donc à voter avec les partis de droite, sociaux-démocrates et Verts, pour la poursuite d’une guerre qui a déjà fait plus de 500 000 morts et blessés. Et pendant ce temps, Mélenchon, lui, discourra sur la paix.

Avant de s’envoler pour la Réunion, Mélenchon a participé à une conférence à Créteil au cours de laquelle la députée LFI Clémence Guetté a présenté La France insoumise comme un mouvement « révolutionnaire » et osé invoquer Léon Trotsky.

Rappelons à Guetté que Trotsky a toujours condamné les députés de « gauche » qui votaient les crédits pour les guerres impérialistes. Trotsky, pour qui la « morale révolutionnaire » exige « la conformité de la parole et de l’action devant la classe ouvrière ».

En 2024, mettre l’action en conformité avec la parole de paix, c’est rejeter tout consensus avec les fauteurs de guerre et l’OTAN, refuser de voter les crédits de guerre et forger l’unité dans la mobilisation pour imposer à Macron : « Pas un sou, pas une arme, pas un homme pour la guerre ! »

#** Votes et résolutions (en 2022 : 1er mars, 7 avril, 6 octobre, 2 février, 16 février ; en 2023 : 15 juin ; en 2024 : 27 février) consultables sur le site du Parlement européen.

Leur déficit, leur guerre, leur faillite

Par Daniel Gluckstein

C’est la nouvelle du jour, présentée comme une catastrophe ce 26 mars : la France s’acheminerait vers un déficit budgétaire de 5,5 % du PIB. Président de la Cour des comptes et ancien ministre « socialiste », Moscovici explique sur France Inter qu’il n’y a pas d’autre choix que de couper au moins 50 milliards d’euros dans la dépense publique.

Pourquoi ? Parce que, voyez-vous, le gouvernement ne peut ni augmenter les impôts ni décréter la reprise de la croissance économique. Donc « il faudra faire des économies ». Mais attention, il s’agira d’« efforts équitablement partagés et ressentis comme justes ». Nous voilà rassurés…

Sauf que Moscovici, écartant toute économie sur les dépenses décrétées « incompressibles », concentre son appel à des « efforts » sur « l’État, les collectivités territoriales et la Sécurité sociale ». Autrement dit : les services publics, en particulier l’école, les hôpitaux, les centres de santé… et l’assurance maladie et les retraites ! Bref, ce serait aux travailleurs de combler ce déficit, au prix de leur santé, de l’éducation des enfants, des emplois publics. Comme s’ils en étaient responsables ! 

Il n’en est rien. D’où vient-il, ce déficit ? Au titre des dépenses incompressibles, Moscovici range la guerre : « Le financement des dépenses supplémentaires que nous devons faire à l’égard de l’Ukraine. » Incompressible aussi dans sa bouche la charge de la dette, c’est-à-dire les près de 60 milliards d’euros par an versés aux grandes banques au titre des intérêts de la dette, qui seront bientôt, nous prévient-il, de l’ordre de 80 milliards d’euros. Quatre-vingts milliards d’euros, c’est aussi ce que coûtent à l’État les exonérations de cotisations de Sécurité sociale indûment accordées aux patrons, véritable détournement du salaire différé des travailleurs. Quant aux ressources… pas question pour Moscovici et les autres de toucher aux 146 milliards d’euros de bénéfices réalisés par les entreprises du CAC40 l’an dernier.

Alors, non, Moscovici, votre déficit n’est pas celui des travailleurs ! Votre déficit résulte des choix de classe faits par ce gouvernement au service des capitalistes, des choix qui privilégient la guerre, le pillage de la Sécurité sociale, la destruction des services publics et le gavage des capitalistes !

Dans les jours qui viennent, nul doute que les organisations de travailleurs seront sollicitées par le gouvernement pour des « concertations » et autres simagrées de « dialogue social » où elles seront invitées à faire des propositions pour que tout le monde puisse se serrer la ceinture… « équitablement » évidemment.

L’indépendance du mouvement ouvrier exige que les organisations qui parlent au nom des travailleurs rétorquent fermement au gouvernement : ce déficit n’est pas celui des travailleurs, on ne touche pas aux conquêtes ouvrières, à l’école, aux hôpitaux, à la Sécurité sociale, aux droits de la population.

Ce déficit n’est pas le nôtre.

C’est leur déficit, leur crise, leur guerre. En un mot : la faillite de leur système.

Non, Macron, nos enfants ne sont pas de la chair à canon !

Editorial de La Tribune des Travailleurs n° 429 du 28 février 2024

Par Daniel Gluckstein

Macron a donc franchi le pas. Ce 26 février, à l’issue d’une conférence internationale sur l’Ukraine convoquée à la hâte, il a déclaré : « Il n’y a pas de consensus aujourd’hui pour envoyer de manière officielle, assumée et endossée des troupes au sol. Mais, en dynamique, rien ne doit être exclu. »

Au-delà de l’aveu – il y a bien des troupes françaises au sol, mais pas de manière « assumée » –, Macron se déclare prêt à intervenir militairement contre la Russie.

À ceux qui – Scholz et les autres chefs d’État européens – se disent opposés à cette nouvelle escalade, Macron répond : « Beaucoup de ceux qui disent “jamais, jamais” aujourd’hui étaient les mêmes qui disaient “jamais des tanks, jamais des avions, jamais des missiles à longue portée” il y a deux ans. »

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