Dans ce livre autobiographique au ton impersonnel (tout est écrit à la troisième personne du singulier comme si l’auteur se contentait de décrire, au travers de quelques photos, les souvenirs et impressions d’une personne étrangère), l’auteure se livre à nous. Plus qu’un simple récit anecdotique, c’est une frise du temps qui s’ouvre à nous partant des ruines des villes et villages après la guerre jusqu’au début du XXI° siècle. Pourquoi ce livre ? Annie Ernaux répond dans les dernières pages :
« Ce ne sera pas un travail de remémoration tel qu’on l’entend, généralement, visant à la mise en récit d’une vie, à une explication de soi. Elle ne regardera en elle-même que pour y retrouver le monde, la mémoire et l’imaginaire, des jours, passer du monde, saisir le changement des idées, des croyances et de la sensibilité, la transformation des personnes et du sujet, qu’elle a connu, et qui ne sent rien, peut-être, auprès de ce grand connu, sa petite fille et tous les vivants en 2070. »
Souvenirs des ruines, des reconstructions, des magasins aux grandes surfaces, des vinyls puis des CD, des chansons, des films, des livres, … Souvenirs aussi des études, du travail, des problèmes, de la vie sexuelle, … Souvenirs historiques aussi au travers des grands évènements politiques, guerres de Corée, du Vietnam, indépendance de l’Algérie, les élections en France, mai-juin 68 dont elle analyse ainsi le dénouement :
« Les élections, ce n’était pas choisir, c’était reconduire les notables en place pour rien. De toute façon, la moitié des jeunes n’avait pas vingt et un ans, ils ne votaient pas. Au lycée, à l’usine, la CGT et le PC recommandaient la reprise du travail. On pensait qu’avec leur élocution lente ou rocailleuse de faux paysans, leurs porte-parole nous avaient bien entubés. Ils gagnaient la réputation « d’alliés objectifs du pouvoir » et de traîtres staliniens, dont tel ou telle, sur le lieu de travail, allait devenir pour des années, la figure achevée, cible de toutes les attaques. »
L’auteur
Depuis que Annie Ernaux a reçu le Nobel de littérature en 2022, elle bénéficie d’une publicité médiatique importante qui ne devrait pourtant pas empêcher la lecture de ses livres. Le quotidien « Le Monde » a publié le discours qu’elle prononça lors de la remise de son Nobel. Vous pouvez le lire en cliquant ci-dessous.
Jacno
Les années – Annie Ernaux (Ed. Folio – 8,70 €)