Éditorial de La Tribune des Travailleurs n° 423 du 17 janvier 2024
Par Daniel Gluckstein
En ce début d’année, la situation apparaît difficile, voire angoissante, pour les travailleurs et les jeunes. Elle l’est au plan international avec la poursuite du massacre à Gaza et la marche à une possible généralisation des guerres. Elle l’est en France avec la politique violemment antisociale et anti-jeunes de ce gouvernement.
Résister dans ces conditions suppose que nous soyons unis. Cela suppose aussi que ceux qui prétendent parler au nom des travailleurs et de la population prennent leurs responsabilités.
La loi Immigration est dénoncée de toutes parts, et à juste titre, comme l’introduction dans la loi, pour la première fois, de « la préférence nationale » chère à l’extrême droite. C’est une loi raciste de division entre les travailleurs de nationalité française et les autres.
Combattre cette loi de division est indispensable. Mais ce combat peut-il aboutir… en se divisant ?
Les uns ont appelé à manifester dimanche 14 janvier pour le retrait de la loi, en affirmant que cette manifestation devait être d’abord celle des travailleurs immigrés car ils sont « les premiers concernés ». Une loi visant à opposer travailleurs français et travailleurs immigrés concernerait davantage les uns que les autres ? Cela, c’est le piège de la division.
D’autres appellent à « marcher pour la liberté, l’égalité et la fraternité » le dimanche 21 janvier. Sans exiger le retrait de la loi, ils s’adressent au président de la République pour lui demander de ne pas la promulguer. Mais qui peut croire que Macron ait la moindre intention de ne pas promulguer une loi, alors qu’il a tout fait pour qu’elle soit adoptée ? D’autres, encore, s’apprêtent à prendre d’autres initiatives un autre jour…
Disons-le clairement : quand une loi menace la totalité de la classe ouvrière en introduisant des droits différents selon la nationalité, c’est toute la classe ouvrière qui est concernée. C’est elle qui doit être appelée à agir dans l’unité pour forcer par la mobilisation le gouvernement à reculer. Sans quoi, on va emprunter une autre voie, celle des atermoiements et des dérobades dont on a déjà vu le résultat à la fin de la mobilisation sur les retraites.
Interviewée au Grand Jury RTL-Le Figaro, Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT et l’une des initiatrices de l’appel à « marcher » le 21 janvier, a renouvelé l’invitation faite à Macron de ne pas promulguer la loi. Et de préciser : « Si jamais cette loi était promulguée, si des salariés sont tenus de dénoncer des personnes sans titre de séjour, on va s’organiser avec eux pour les protéger. » Qu’est-ce que cela signifie ? Que la loi étant promulguée, les salariés chargés de l’appliquer seraient appelés par le syndicat à décider individuellement s’ils refusent de la mettre en œuvre ou non ? Ce serait accroître la division, sans par ailleurs apporter de protection réelle aux travailleurs immigrés menacés, et pas davantage aux salariés qui chercheraient ainsi à leur venir en aide.
La défense des intérêts des travailleurs et des jeunes – avec ou sans papiers – ne peut passer ni par la dérobade ni par la division.
Ni dérobade ni division : unité !