Quand tous les pauvres s’y mettront

Par Daniel Gluckstein

On connaissait le nettoyage ethnique, de sinistre réputation. Voici venu le temps du nettoyage social. À l’approche des Jeux Olympiques, les sommets de l’État sont pris de frénésie. C’est par cars entiers que l’on déporte les personnes sans abri et les demandeurs d’asile loin de la capitale. Pour ces derniers, c’est souvent une étape avant l’expulsion pure et simple à l’extérieur des frontières en application des tristement célèbres « obligations de quitter le territoire français » (OQTF). Vite, vite, il faut chasser ces pauvres qui défigurent notre belle capitale que des millions de « touristes olympiques » s’apprêtent à investir. 

Comment ne pas penser au Tartuffe de Molière : couvrez cette misère que le monde entier ne saurait voir. 

À vrai dire, c’est dans tous les domaines que règne la tartufferie, autrement dit l’hypocrisie généralisée. Ainsi, Macron vient de lancer un appel en commun avec le président égyptien Sissi et le roi de Jordanie pour un cessez-le-feu immédiat à Gaza. Mais le même Macron continue à faire livrer des armes à Israël, au moment même où se prépare – au vu et au su de tous car Netanyahou et sa bande ne s’en cachent pas – ce qui pourrait être la phase finale du massacre à Gaza. Macron en appelle au cessez-le-feu… et livre les armes qui intensifient le feu ! Tartuffe encore : cachez ma participation de fait au génocide, le peuple ne doit rien en savoir…

Sur cette question cruciale de la paix ou de la guerre, la « gauche » en France se divise en deux camps : les Glucksmann et autres « socialistes » et Verts qui votent les crédits de guerre et en rajoutent toujours plus dans le registre des va-t-en-guerre ; et ceux qui parlent de paix, mais votent aussi les crédits de guerre pour l’Ukraine. Telle Manon Aubry (LFI) qui se vante sur France Inter (17 mars) d’avoir « voté 32 résolutions de soutien à l’Ukraine au Parlement européen », la plupart de ces résolutions comprenant un soutien financier et militaire au gouvernement Zelensky. Tartuffe toujours : couvrez ces votes qui attisent le feu de la guerre en Ukraine au lieu de l’éteindre, couvrez ces votes de guerre dont le « peuple de gauche » doit tout ignorer. 

De gauche ou de droite, les Tartuffe des temps modernes ne méritent pas d’être jugés sur ce qu’ils disent d’eux-mêmes ni même sur ce qu’ils disent en général, mais sur leurs actes, exclusivement. 

Mais le règne des hypocrites ne durera pas éternellement. À quelques jours de la commémoration par le Parti des travailleurs de la Commune de Paris, premier gouvernement ouvrier de l’histoire, on se souviendra de la Semaine sanglante et des paroles composées par le communard Jean-Baptiste Clément dans les jours qui ont suivi ce terrible massacre : « Jusques à quand les gens de guerre tiendront-ils le haut du pavé ? »

Et aussi… « Ça branle dans le manche, les mauvais jours finiront et gare à la revanche quand tous les pauvres s’y mettront. »