Aurons-nous du Doliprane demain ?

Par Daniel Gluckstein

Pourrons-nous demain nous procurer du Doliprane en pharmacie ? La question est posée depuis que Sanofi – qui vient de recevoir plus de 200 millions du gouvernement – a annoncé la vente de sa filiale Opella, productrice du Doliprane, au fonds d’investissement américain CD&R. Au micro de France Inter, ce 15 octobre, un certain Ferracci, ministre de l’Industrie, se veut rassurant : le gouvernement va « demander à Sanofi et au fonds d’investissement (…) des engagements sur l’emploi industriel »… Et de préciser : « Le Doliprane est produit quasiment exclusivement pour la France. 97 % des ventes de Doliprane se font en France, donc il y a intérêt à maintenir la localisation en France. »

La journaliste – qu’on ne peut soupçonner d’anticapitalisme primaire – rappelle alors que les mêmes engagements avaient été pris par l’Indien Mittal au moment du rachat d’Arcelor et que, « quatre ans après, c’était la fermeture de tous les hauts-fourneaux ».

Réponse embrouillée du ministre qui ne peut rien garantir, ni la poursuite de la commercialisation du Doliprane en France ni même la poursuite de sa production. Car ce que ce menteur « oublie » de dire, c’est que le fonds d’investissement CD&R appartient à la catégorie du « capital-investissement », ce que les Anglo-Saxons appellent « Private Equity ».

Quel en est le principe ? Ces « Private Equity » se définissent eux-mêmes en ces termes : « Les gestionnaires de fonds lèvent des capitaux auprès d’investisseurs. Le fonds identifie et acquiert des entreprises à fort potentiel de croissance. Le fonds travaille avec l’entreprise pour améliorer ses performances. »* Traduisons : pour « améliorer les performances », le fonds liquidera des chaînes de production et des usines entières, supprimera les emplois par milliers… Car « l’objectif est de créer de la richesse et de revendre l’entreprise à un prix supérieur. Les gains sont distribués aux investisseurs après déduction des frais » !

Le fonds CD&R qui se porte acquéreur de la filiale de Sanofi n’a qu’une raison d’être : revendre l’entreprise à un prix supérieur pour permettre des gains à ses investisseurs (et à lui-même). Si pour cela le Doliprane et d’autres médicaments doivent disparaître, les responsables du « Private Equity » n’auront aucune hésitation !

Ce gouvernement de menteurs est tout entier à l’image de son chef Macron dont les liens étroits avec le puissant fonds spéculatif BlackRock sont de notoriété publique.

Mais le peuple travailleur, lui, a besoin de Doliprane et de médicaments. Il a besoin d’un gouvernement qui défende ses intérêts et qui rompe tout lien avec les fonds spéculatifs. Il a besoin d’un gouvernement qui n’ait pas peur de nationaliser sans indemnité ni rachat Sanofi, et toute l’industrie pharmaceutique, pour la réorganiser en monopole public de production de médicaments vendus à prix coûtant et pris en charge par la Sécurité sociale. Avec pour seule préoccupation les besoins des travailleurs et de leurs familles, et non les exigences des spéculateurs. C’est pour un tel gouvernement que combat le Parti des travailleurs. 

#** www.private-equity-valley.com

Ah… si cela avait été Darmanin, Borne ou Attal…

Par Daniel Gluckstein

Sans surprise, la motion de censure contre le gouvernement présentée par les députés du Nouveau Front populaire le 8 octobre n’a pas été adoptée.

Cette motion avançait « deux motifs » pour lesquels le gouvernement devait être censuré. D’une part, « les orientations politiques du gouvernement Barnier » que les signataires dénoncent à juste titre. D’autre part, le fait que « le président de la République aurait dû nommer à Matignon la personnalité proposée par le Nouveau Front populaire (…). Charge ensuite à cette personnalité de proposer un gouvernement au président de la République et de chercher à bâtir des majorités texte par texte. »

Imperturbablement, le NFP persiste à revendiquer un gouvernement de cohabitation avec Macron, appuyé sur « des majorités texte par texte ». Autrement dit, un gouvernement d’alliances avec Macron et des secteurs de la macronie. Un tel gouvernement, s’il voyait le jour, serait-il en capacité, politique et institutionnelle, de décréter les mesures d’urgence qui s’imposent pour prendre l’argent là où il est afin de satisfaire les revendications du peuple travailleur et de la jeunesse ? Poser la question, c’est y répondre…

Il y a pire : la motion reproche à Macron d’avoir nommé un Premier ministre membre d’une formation « qui n’a pas clairement appelé au barrage républicain ». Si on comprend bien, si cela avait été Darmanin, Borne, Attal ou un autre dirigeant macroniste ayant « appelé au barrage républicain », le NFP ne l’aurait pas censuré ?

Mais tandis que le Nouveau Front populaire renouvelle ses offres de cogouvernement avec Macron et d’alliances (barrage ou arc ou front républicain ou union nationale…) avec des partis ouvertement procapitalistes… Barnier présente son plan de 60 milliards d’« économies ». Un plan brutalement anti-ouvrier, qui frappe tous les droits des travailleurs, français ou immigrés, dans tous les domaines. La motion de censure du NFP dénonce dans ces projets « les textes les plus austéritaires des vingt-cinq dernières années ». C’est vrai. Et derrière se profilent d’autres plans encore pires, comme celui de l’Institut Montaigne, qui propose des coupes de 150 milliards d’euros sur le dos des travailleurs.

Toute alliance avec un secteur de la classe capitaliste ne peut aboutir qu’à des mesures toujours plus brutales contre les travailleurs et les jeunes. Barrage ou front républicain, c’est toujours l’alliance avec la bourgeoisie. La satisfaction des revendications ouvrières et jeunes ne peut s’imposer à travers une telle coalition. Pour cela, c’est le barrage ouvrier qui est nécessaire, le front uni des travailleurs et des jeunes.

Cela exige de rejeter toute alliance avec Macron et Barnier et de s’orienter résolument sur la voie de la rupture, pas en mots, mais en actes. Forger le front unique des travailleurs et des organisations pour la satisfaction des revendications, pour bloquer le plan de guerre Macron-Barnier, et au-delà pour les chasser, eux, leur politique et leur Ve République : telle est l’orientation que propose le Parti des travailleurs.

N’en déplaise aux hypocrites de tous bords

Par Daniel Gluckstein


En déclarant que « l’État de droit, ça n’est pas intangible, ni sacré », le ministre Retailleau s’est attiré les foudres de toutes les bonnes âmes du monde politique, à gauche comme à droite.

Pourtant, Retailleau n’a fait que dire à haute voix ce que tous savent et partagent. À savoir : « Nous respectons l’État de droit aussi longtemps que cela est compatible avec les intérêts de la classe capitaliste que nous représentons. » 

« L’État de droit », cela suppose qu’il y a un droit. Qui codifie le droit ? Le pouvoir politique. Par conséquent, l’État de droit l’emporte sur la toute-puissance du pouvoir politique tant que celui-ci l’accepte et ne décide pas de modifier le droit. C’est ce qui s’est toujours passé. Ceux qui font mine de se récrier sont des hypocrites. 

Retailleau dit en substance : « Nous avons, nous, les héritiers de la Ve République, construit un édifice juridique sur la base d’un coup d’État en 1958, la force du coup d’État l’emportant sur l’État de droit de la IVe République. Aujourd’hui, à nouveau, la force doit primer le droit, et donc le modifier. » 

Finalement, Retailleau fait en petit ce que Netanyahou fait en grand. Certes, Biden et Macron protestent contre l’intervention israélienne au Liban, invoquent le nécessaire respect de la souveraineté de ce pays, appellent à un cessez-le-feu et à la mise en œuvre des principes et des résolutions des Nations unies. Cela, c’est, côté cour, l’« État de droit ».

À quoi Netanyahou répond qu’il respecte une résolution de l’ONU, celle qui a créé l’État d’Israël et nié le droit du peuple palestinien à exister comme nation souveraine. Biden et Macron le réprimandent, mais, côté jardin… ils continuent de lui livrer des armes pour sa guerre d’extermination à Gaza et sa guerre au Liban. 

Au-delà des nuances, Biden et Macron partagent avec Netanyahou cette conviction : le respect de l’État de droit international s’arrête là où il contrevient aux intérêts de l’ordre capitaliste dans la région. 

N’en déplaise aux hypocrites de tous bords, Retailleau comme Netanyahou disent la vérité de la classe capitaliste pour qui la démocratie et l’État de droit ne peuvent jamais être opposés à leurs plans et à leurs exigences. Pour eux, si la logique d’Israël est le génocide à Gaza, alors Israël s’arroge légitimement le droit d’agir ainsi, un droit qui l’emporte sur tout autre droit. De même qu’en France, si la logique du capital est d’avoir les mains libres pour déployer ses plans anti-ouvriers et d’alimenter dans ce but le racisme et la phobie de l’immigré, alors il faut le faire sans hésiter, quitte à enclencher un mécanisme qui ouvre la voie au Rassemblement national. 

Les organisations qui se réclament du combat émancipateur de la classe ouvrière ont mieux à faire que de se joindre au chœur des pleureuses hypocrites de la réaction. Retailleau dit tout haut la vérité capitaliste : la force prime le droit. C’est de forces qu’il s’agit : il revient aux travailleurs d’unir les leurs, avec leurs organisations, pour construire l’action unie qui, précisément, est seule à même d’inverser le rapport des forces.

Le front des travailleurs

Par Daniel Gluckstein

L’éditorial des Échos reflète généralement l’état d’esprit des cercles dirigeants du capital financier. Celui du 23 septembre ne tarit pas d’éloges pour « le nouveau gouvernement(qui) a de quoi rassurer le monde de l’entreprise ». Les Échos applaudissent « la méthode », le « choix des personnalités », et surtout les « engagements pris par Michel Barnier sur la nécessité de conforter l’attractivité économique de la France », soulignant que « ces engagements ne sont pas passés inaperçus du côté du Medef ! »

Et pour cause… puisque ces engagements consistent à « réduire les dépenses » et« afficher des perspectives ambitieuses de réforme à Bruxelles » ! En clair : un plan de guerre anti-ouvrier se prépare. Car réduire les dépenses de santé, celles des services publics, celles du logement social et engager de nouvelles réformes anti-ouvrières dans la continuité des précédentes, qu’est-ce d’autre que s’en prendre aux travailleurs et à leurs familles ?

La classe capitaliste est donc bien rangée derrière son gouvernement et « rassurée » par lui. Rassurée aussi de voir la « gauche » respecter le cadre fixé. C’est Bompard, de La France insoumise, qui explique, sur France Bleu Provence, combien il serait « absurde »de « s’opposer systématiquement au gouvernement Barnier ». C’est Faure, du Parti socialiste, qui déclare, à propos de sa propre motion de censure, qu’elle est « vouée à l’échec ». C’est Roussel, du Parti communiste, qui va rencontrer Barnier à Matignon en cultivant l’ambiguïté sur une possible participation à un gouvernement qui mettrait en œuvre des mesures progressistes…

Les capitalistes pensent-ils pour autant pouvoir dormir sur leurs deux oreilles ? Certes, il ne peut y avoir de nouvelle dissolution avant dix mois. Certes, l’adoption d’une motion de censure aboutirait à renverser le gouvernement – à condition que le Rassemblement national décide de la voter –, mais Macron toujours en place désignerait un autre Premier ministre – ou le même – chargé de constituer un autre gouvernement aussi pro-capitaliste que celui-ci.

Reste une inconnue : la lutte de classe.

Au front des capitalistes, il est impératif d’opposer le front des travailleurs unis avec leurs organisations, le front des travailleurs qui ne se laissent pas entraver par ceux qui refusent de rompre avec les institutions et avec Macron. Le front des travailleurs qui s’unissent, se confortent mutuellement, se dressent soudés sur leurs revendications légitimes et dans l’action légitime et résolue. Le front des travailleurs qui ne se laissent détourner de l’action de classe ni par la perspective d’une élection présidentielle en 2027 ni par d’hypothétiques perspectives de dissolution (ou de destitution) toutes subordonnées aux règles et au calendrier de la Ve République. Et donc aux exigences de la classe capitaliste.

Opposé au front des exploiteurs jamais rassasiés de profits et de dividendes, le front des travailleurs, c’est le front de ceux qui n’ont que leur travail pour vivre. Ils sont la majorité. C’est à eux, en démocratie, qu’il doit revenir de gouverner.

Quelle perspective politique ?

Par Daniel Gluckstein

Trois mois se sont écoulés depuis l’ouverture de la crise du régime. À ce stade, une seule certitude : le mandat du gouvernement Barnier, s’il voit le jour, sera de porter aux travailleurs et aux jeunes les coups les plus brutaux, pour permettre aux capitalistes de dégager toujours plus de profits.

Face à cela, quelle perspective pour les travailleurs ?

Le contraire d’un gouvernement pro-capitaliste, ennemi des travailleurs, ce serait un gouvernement pro-travailleurs, ennemi de la classe capitaliste. Est-ce cela que propose le Nouveau Front populaire ?

Ce 17 septembre, toutes ses composantes ont voté pour engager l’examen par l’Assemblée nationale de la proposition législative de destitution de Macron. Si Macron était destitué, les travailleurs ne le pleureraient certes pas. Mais cette hypothèse reste hautement improbable, puisque la Constitution exige une improbable majorité des deux tiers dans les deux chambres pour faire aboutir une telle démarche.

Alors, quelle est la perspective ?

Après avoir voté cette proposition, les dirigeants du Parti communiste se sont rendus, le même jour, chez… Barnier, Fabien Roussel en tête ! Que vont-ils y discuter ? On ne sait pas. Mais il est peu probable que cela aboutisse à un gouvernement pro-travailleurs !

Le Parti socialiste, lui, a voté pour enclencher la procédure de débat à l’Assemblée en précisant que, sur le fond, il votera contre la destitution. Il lui préfère le dépôt d’une motion de censure, plus conforme, selon lui, à la Constitution. Là encore, il est peu probable qu’une telle censure soit votée dans un premier temps. Mais le serait-elle, sur quoi déboucherait-elle ? Une autre combinaison de gouvernement de cohabitation, une autre variété de gouvernement pro-capitaliste et anti-travailleurs, présidé par Macron, conformément à la Constitution ?

Quant à La France insoumise, elle a affirmé par la voix de Mélenchon à la Fête de L’Humanité être favorable à la convocation d’une Assemblée constituante, sans en préciser l’échéance. Mais son tract, intitulé « La destitution par l’article 68, comment ça marche ?», indique clairement que l’initiative reste prisonnière des institutions de la Ve République.

Sous des formes différentes, aucune de ces formations ne veut s’engager dans une logique de rupture.

Un parti décidé à chasser Macron et sa politique et les institutions au service du capital devrait avancer une perspective claire : un gouvernement des travailleurs prenant les mesures indispensables à la classe ouvrière et à la jeunesse, financées par la confiscation des crédits militaires et des profits capitalistes. Cette perspective se heurtant aux institutions de la Ve République, un tel parti devrait appeler à forger l’unité d’action des rangs ouvriers pour imposer cette triple exigence de la démocratie. Et y relier la nécessité de convoquer immédiatement une Assemblée constituante chargée de mettre en place une autre République, authentiquement démocratique. Telle est l’issue politique pour laquelle combat le Parti des travailleurs.

Retour aux fondamentaux

Par Daniel Gluckstein

Barnier, c’est plus d’un demi-siècle au service du capital et de la réaction. Lui à Matignon, peu importe les noms des ministres : patrons et spéculateurs dicteront directement la politique du gouvernement et le pousseront à affronter les travailleurs. Ainsi, la classe capitaliste revient à ses fondamentaux : la lutte des classes, capital contre travail.

Et du côté des travailleurs ? Comment faire face au déferlement annoncé d’attaques contre les retraites, les salaires, les services publics, la Sécurité sociale, les travailleurs immigrés ? À quoi se combine la hausse constante des crédits pour la guerre et des cadeaux offerts aux patrons pour leur garantir toujours plus de profits.

Il faut pour cela revenir aux fondamentaux des exploités : la lutte de classe, classe contre classe, pour se préparer au choc qui vient.

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Qui gouverne en réalité ?

Par Daniel Gluckstein

Et si l’objectif de Macron était de prouver que, sous la Ve République, il est possible de gouverner sans gouvernement ni Premier ministre ?

Sur les « affaires courantes », un gouvernement « démissionnaire » suffit à la tâche, on le voit avec la désastreuse rentrée scolaire de Mme Belloubet. Et cela vaut aussi pour l’avenir. Le ministre « démissionnaire » Le Maire annonce des chiffres astronomiques de déficit public. Il désigne les responsables : les collectivités territoriales qui, à l’en croire, seront contraintes, quel que soit le gouvernement, de réduire leurs dépenses !

Y aurait-il trop de crèches et de centres de protection maternelle et infantile ? Accorderait-on trop de crédits à l’entretien des collèges, des lycées, des écoles ? Les tarifs des cantines et les loyers des logements sociaux seraient-ils scandaleusement bas ? Ces logements seraient-ils trop luxueux et trop bien entretenus ? Les employés territoriaux seraient-ils trop nombreux et trop bien payés ?

À écouter le ministre « démissionnaire », cette véritable saignée dans les budgets sociaux serait dictée par l’obligation de réduire la dette publique. Sinon… la France sera punie par les agences de notation et les grandes banques ne lui prêteront plus d’argent.

Les grandes banques ? Elles sont dominées par le capital financier principalement états-unien. Là se situe le cœur des forces sociales qui, certes, ne gouvernent pas directement la France, mais la gouvernent quand même d’une certaine manière, comme d’ailleurs les autres grands pays capitalistes. Un Premier ministre, un président de la République sont les instruments de leurs exigences, Macron peut y mettre sa petite touche, mais le cadre général est fixé par d’autres, loin de l’Élysée… et encore plus loin de Matignon !

Les institutions de la Ve République, comme celles de l’Union européenne, interdisent toute politique qui consacrerait les richesses produites à la satisfaction des besoins du peuple. Elles n’autorisent que des politiques qui prélèvent sur le travail du peuple pour engraisser les capitalistes et les spéculateurs. Macron est là pour veiller, avec tous les moyens que lui donne la Constitution, à ce que les exigences des capitalistes s’imposent en toutes circonstances. On ne peut donc gouverner pour le peuple et gouverner avec Macron. Appeler de ses vœux une cohabitation entre le Nouveau Front populaire et Macron, c’est être candidat au rôle d’homme (ou de femme) de paille du capital financier.

Un gouvernement qui voudrait répondre aux besoins les plus urgents de la population remettrait en cause le paiement de la dette, qui n’est pas celle du peuple travailleur. Il rejetterait les diktats des traités européens. Il en appellerait à la mobilisation ouvrière et populaire pour imposer cette rupture et faire respecter le mandat du peuple. En commençant par abroger les institutions de la Ve République (dont la fonction de président) et convoquer une Assemblée constituante composée de délégués du peuple, élus, mandatés et révocables, pour jeter les bases d’une authentique démocratie.

Dans la vraie vie

Par Daniel Gluckstein


Vous connaissez les trois singes qui symbolisent la sagesse en Asie ? Macron, c’est les trois singes réunis en un seul homme, symboles ici de duplicité.

Le rejet massif de sa politique, exprimé dans les grandes luttes de classe de 2023 et dans les récentes élections ? Il ne le voit pas.

La colère des patients privés de soins, des parents dont les enfants sont privés de prise en charge à l’école, des travailleurs victimes de licenciement ? Il ne l’entend pas.

Quant au nom du prochain Premier ministre… il ne le dit pas.

Il le fera, certes, mais au moment qu’il aura choisi, il n’est pas pressé. Macron est à l’Élysée, chargé par les capitalistes de défendre au mieux leurs intérêts. Il prend donc le temps de dessiner le gouvernement le plus à même de réaliser ce mandat et de s’attaquer aux droits des travailleurs. Il peut le faire parce que la Constitution lui donne le pouvoir de désigner quand il veut le Premier ministre de son choix.

Le Nouveau Front populaire (NFP) dénonce le « coup de force de Macron ». À juste titre. Encore faut-il rappeler que, sous la Ve République, le « coup de force » fait partie des institutions. On connaît la formule de Mitterrand : la Ve République, c’est « le coup d’État permanent ». Macron se comporte de manière antidémocratique, mais pas anticonstitutionnelle.

Plusieurs partis membres du NFP appellent à manifester « contre le coup de force ». Quel en serait l’objectif ? S’agit-il, comme on le lit ici et là, de demander à Macron, au nom du « respect des institutions », qu’il « entende le message des élections » ? Si c’est de cela qu’il s’agit, ce serait poursuivre le théâtre de vaudeville qu’on nous inflige depuis bientôt deux mois, où l’un sort de la scène quand l’autre y entre, puis celui qui est sorti entre à nouveau et l’autre sort par l’autre porte…

La vraie vie, ce n’est pas du théâtre de boulevard. Dans la vraie vie, il y a la guerre, la misère, la décomposition sociale. Dans la vraie vie, en cette rentrée, il y a les écoliers sans enseignants, les malades sans soignants, les services publics sans moyens, les ouvriers privés d’emploi, les familles sans logement, les fins de mois qu’on ne peut pas boucler, les frais de la rentrée qu’on ne peut assumer.

En 2023, dans des manifestations de millions et de millions contre la réforme des retraites, le cri a jailli : « Dehors Macron ! » Dans les récentes élections, le cri a jailli à nouveau, cette fois sorti des urnes : « Dehors Macron ! » Il n’y a qu’une réponse au coup de force antidémocratique et anti-ouvrier : la mobilisation unie pour mettre dehors Macron et la Ve République, pour imposer l’élection d’une Assemblée constituante pour une nouvelle république, une république démocratique et un gouvernement de rupture pour la satisfaction des revendications.

La meilleure voie pour cela, c’est la lutte de classe directe par laquelle les travailleurs, dressant leurs revendications, se donnent les moyens d’en arracher eux-mêmes la satisfaction, sans attendre le « feu vert » venu d’en haut.

Un silence assourdissant

Par Daniel Gluckstein

Quand Zelensky déclare (19 août) que « personne n’était au courant de nos préparatifs d’invasion du territoire russe », il nous rappelle la profession qu’il exerçait avant de présider l’Ukraine : acteur comique.

Personne n’était au courant de cette invasion perpétrée par des soldats préalablement entraînés en France et en Allemagne et équipés de pied en cap (chars compris) par l’OTAN ? Allons donc…

Zelensky avait, dans un premier temps, évoqué une opération ponctuelle. Quinze jours plus tard, 1 200 km² de terres russes sont occupées. Elles viennent d’être placées sous administration militaire ukrainienne. Preuve d’une occupation « ponctuelle » appelée à durer…

En réalité, c’est l’OTAN qui occupe et transpose la guerre sur le sol russe. Une guerre dans laquelle les grandes puissances capitalistes se sont impliquées depuis trente mois au nom de la « défense de l’Ukraine agressée ». Force est de constater cette réalité nouvelle :« l’invasion du territoire russe » revendiquée par Zelensky.

Jouant eux aussi la comédie des « pas-au-courant », les dirigeants américains s’en félicitent bruyamment, dans un total consensus entre démocrates et républicains. Il est vrai que cela va dans le sens des intérêts bien compris des sommets du capital financier des États-Unis. Ils n’ont jamais caché leur volonté d’évincer les oligarques de Moscou pour procéder eux-mêmes à l’exploitation du peuple russe et au pillage des immenses ressources du pays.

Au fait… où sont passés ceux qui, en février 2022, dénonçaient l’agression du seul Poutine contre la souveraineté de l’Ukraine, sans un mot à l’encontre des parrains occidentaux de Zelensky ? Raphaël Glucksmann, Manon Aubry, Marie Toussaint, vous êtes les représentants officiels de la « gauche » française au Parlement européen. Vous avez voté il y a cinq semaines sa résolution encourageant Zelensky à étendre la guerre et appelant à la financer. Où êtes-vous ? Où sont vos appels vibrants au respect de la souveraineté des peuples quand les chars de l’OTAN envahissent le territoire russe ? Votre silence aujourd’hui dit le crédit qu’il faut apporter à vos envolées lyriques sur la liberté et la justice !

La réalité de la guerre, c’est son contenu de classe. Elle oppose les oligarques capitalistes de Moscou à leurs concurrents de Washington. Ceux qui poussent à la poursuite et à l’extension de la guerre se font les relais d’un groupe de brigands capitalistes contre un autre groupe de brigands capitalistes.

Russes ou ukrainiens, français ou américains, les travailleurs n’ont pas le moindre intérêt à la poursuite de cette guerre. Dès février 2022, nous écrivions dans ces colonnes : « Troupes russes, hors d’Ukraine, troupes de l’OTAN, hors d’Europe ! » Nous n’avons rien à modifier aujourd’hui, sauf à préciser que « Troupes de l’OTAN, hors d’Europe ! » implique « Troupes ukrainiennes, hors de Russie ! ». Et que l’argent de la guerre doit revenir aux hôpitaux, à l’école, au logement. En un mot : aux besoins des peuples de tous les pays !

À la vie et à l’avenir, pas à la guerre et au néant !

Puisque Macron ne le veut pas…

Par Daniel Gluckstein

Il doit « reconnaître le résultat des élections » et « se remettre à discuter de la formation d’un gouvernement ». Qui parle ? Chloé Ridel, porte-parole du Parti socialiste (France Inter, 12 août). À qui s’adresse-t-elle ? À Macron, en direction de qui elle vante les compétences de Lucie Castets, désignée par le Nouveau Front populaire (NFP) comme candidate au poste de Première ministre.

Il y a quelque chose de pitoyable dans cette supplique. Faut-il rappeler que, depuis sept ans, Macron met en œuvre avec zèle le mandat confié par sa classe : accroître l’exploitation des travailleurs en remettant en cause leurs acquis pour permettre au profit capitaliste d’enfler toujours plus ? Faut-il rappeler que la Constitution de la Ve République donne au président le pouvoir de désigner le (ou la) Premier(e) ministre qui lui convient ? Et que, par conséquent, personne ne peut lui imposer une nomination dont il ne veut pas ?

Il est vain de supplier Macron. Il ne désignera de Premier ministre (issu du NFP ou de la droite ou du centre) qu’à la condition que sa politique ne lèse pas les intérêts capitalistes. Certes, des compromis sont possibles, mais à la marge : cohabitation ou pas, un gouvernement de la Ve République ne peut gouverner contre la classe capitaliste.

Le mandat du 7 juillet est un mandat ouvrier et populaire. Il appelle des mesures radicales : l’augmentation générale des salaires et l’affectation à l’école, aux hôpitaux, aux services publics, au logement social des milliards nécessaires pour répondre aux besoins immédiats. Pour une telle politique de rupture ouvrière et populaire, les moyens doivent être dégagés là où ils sont : dans les profits capitalistes et dans les budgets d’armement, les uns et les autres en constante augmentation.

L’application de ce mandat se heurte à Macron et aux institutions de la Ve République. Les dirigeants du Nouveau Front populaire le savent, comme ils savent que, quel que soit le Premier ministre, Macron s’opposera à toute politique de rupture avec la classe capitaliste.

La seule voie pour mettre en œuvre le mandat du 7 juillet, c’est la mobilisation de masse, la mobilisation de millions qui brisera le carcan de la Ve République. Ce que Macron veut empêcher, le peuple mobilisé et organisé peut l’imposer.

De deux choses l’une.

Ou bien les dirigeants du Nouveau Front populaire renoncent au mandat confié par le peuple, au nom du respect des institutions.

Ou bien, pour respecter le mandat, ils s’engagent sur la voie de la rupture et appellent à organiser la mobilisation générale dans l’unité pour en finir avec la Ve République et pour la convocation d’une Assemblée constituante souveraine. Ainsi pourra se mettre en place une République nouvelle où il sera possible de gouverner pour le peuple travailleur et la jeunesse.

Nombre de dirigeants du Nouveau Front populaire ne manquent aucune occasion d’entonner le refrain des gilets jaunes. Ils ont aujourd’hui la responsabilité de passer de la chanson à l’action : puisque Macron ne le veut pas, le peuple doit imposer le respect de la démocratie.