Qui gouverne en réalité ?

Par Daniel Gluckstein

Et si l’objectif de Macron était de prouver que, sous la Ve République, il est possible de gouverner sans gouvernement ni Premier ministre ?

Sur les « affaires courantes », un gouvernement « démissionnaire » suffit à la tâche, on le voit avec la désastreuse rentrée scolaire de Mme Belloubet. Et cela vaut aussi pour l’avenir. Le ministre « démissionnaire » Le Maire annonce des chiffres astronomiques de déficit public. Il désigne les responsables : les collectivités territoriales qui, à l’en croire, seront contraintes, quel que soit le gouvernement, de réduire leurs dépenses !

Y aurait-il trop de crèches et de centres de protection maternelle et infantile ? Accorderait-on trop de crédits à l’entretien des collèges, des lycées, des écoles ? Les tarifs des cantines et les loyers des logements sociaux seraient-ils scandaleusement bas ? Ces logements seraient-ils trop luxueux et trop bien entretenus ? Les employés territoriaux seraient-ils trop nombreux et trop bien payés ?

À écouter le ministre « démissionnaire », cette véritable saignée dans les budgets sociaux serait dictée par l’obligation de réduire la dette publique. Sinon… la France sera punie par les agences de notation et les grandes banques ne lui prêteront plus d’argent.

Les grandes banques ? Elles sont dominées par le capital financier principalement états-unien. Là se situe le cœur des forces sociales qui, certes, ne gouvernent pas directement la France, mais la gouvernent quand même d’une certaine manière, comme d’ailleurs les autres grands pays capitalistes. Un Premier ministre, un président de la République sont les instruments de leurs exigences, Macron peut y mettre sa petite touche, mais le cadre général est fixé par d’autres, loin de l’Élysée… et encore plus loin de Matignon !

Les institutions de la Ve République, comme celles de l’Union européenne, interdisent toute politique qui consacrerait les richesses produites à la satisfaction des besoins du peuple. Elles n’autorisent que des politiques qui prélèvent sur le travail du peuple pour engraisser les capitalistes et les spéculateurs. Macron est là pour veiller, avec tous les moyens que lui donne la Constitution, à ce que les exigences des capitalistes s’imposent en toutes circonstances. On ne peut donc gouverner pour le peuple et gouverner avec Macron. Appeler de ses vœux une cohabitation entre le Nouveau Front populaire et Macron, c’est être candidat au rôle d’homme (ou de femme) de paille du capital financier.

Un gouvernement qui voudrait répondre aux besoins les plus urgents de la population remettrait en cause le paiement de la dette, qui n’est pas celle du peuple travailleur. Il rejetterait les diktats des traités européens. Il en appellerait à la mobilisation ouvrière et populaire pour imposer cette rupture et faire respecter le mandat du peuple. En commençant par abroger les institutions de la Ve République (dont la fonction de président) et convoquer une Assemblée constituante composée de délégués du peuple, élus, mandatés et révocables, pour jeter les bases d’une authentique démocratie.

Dans la vraie vie

Par Daniel Gluckstein


Vous connaissez les trois singes qui symbolisent la sagesse en Asie ? Macron, c’est les trois singes réunis en un seul homme, symboles ici de duplicité.

Le rejet massif de sa politique, exprimé dans les grandes luttes de classe de 2023 et dans les récentes élections ? Il ne le voit pas.

La colère des patients privés de soins, des parents dont les enfants sont privés de prise en charge à l’école, des travailleurs victimes de licenciement ? Il ne l’entend pas.

Quant au nom du prochain Premier ministre… il ne le dit pas.

Il le fera, certes, mais au moment qu’il aura choisi, il n’est pas pressé. Macron est à l’Élysée, chargé par les capitalistes de défendre au mieux leurs intérêts. Il prend donc le temps de dessiner le gouvernement le plus à même de réaliser ce mandat et de s’attaquer aux droits des travailleurs. Il peut le faire parce que la Constitution lui donne le pouvoir de désigner quand il veut le Premier ministre de son choix.

Le Nouveau Front populaire (NFP) dénonce le « coup de force de Macron ». À juste titre. Encore faut-il rappeler que, sous la Ve République, le « coup de force » fait partie des institutions. On connaît la formule de Mitterrand : la Ve République, c’est « le coup d’État permanent ». Macron se comporte de manière antidémocratique, mais pas anticonstitutionnelle.

Plusieurs partis membres du NFP appellent à manifester « contre le coup de force ». Quel en serait l’objectif ? S’agit-il, comme on le lit ici et là, de demander à Macron, au nom du « respect des institutions », qu’il « entende le message des élections » ? Si c’est de cela qu’il s’agit, ce serait poursuivre le théâtre de vaudeville qu’on nous inflige depuis bientôt deux mois, où l’un sort de la scène quand l’autre y entre, puis celui qui est sorti entre à nouveau et l’autre sort par l’autre porte…

La vraie vie, ce n’est pas du théâtre de boulevard. Dans la vraie vie, il y a la guerre, la misère, la décomposition sociale. Dans la vraie vie, en cette rentrée, il y a les écoliers sans enseignants, les malades sans soignants, les services publics sans moyens, les ouvriers privés d’emploi, les familles sans logement, les fins de mois qu’on ne peut pas boucler, les frais de la rentrée qu’on ne peut assumer.

En 2023, dans des manifestations de millions et de millions contre la réforme des retraites, le cri a jailli : « Dehors Macron ! » Dans les récentes élections, le cri a jailli à nouveau, cette fois sorti des urnes : « Dehors Macron ! » Il n’y a qu’une réponse au coup de force antidémocratique et anti-ouvrier : la mobilisation unie pour mettre dehors Macron et la Ve République, pour imposer l’élection d’une Assemblée constituante pour une nouvelle république, une république démocratique et un gouvernement de rupture pour la satisfaction des revendications.

La meilleure voie pour cela, c’est la lutte de classe directe par laquelle les travailleurs, dressant leurs revendications, se donnent les moyens d’en arracher eux-mêmes la satisfaction, sans attendre le « feu vert » venu d’en haut.

Un silence assourdissant

Par Daniel Gluckstein

Quand Zelensky déclare (19 août) que « personne n’était au courant de nos préparatifs d’invasion du territoire russe », il nous rappelle la profession qu’il exerçait avant de présider l’Ukraine : acteur comique.

Personne n’était au courant de cette invasion perpétrée par des soldats préalablement entraînés en France et en Allemagne et équipés de pied en cap (chars compris) par l’OTAN ? Allons donc…

Zelensky avait, dans un premier temps, évoqué une opération ponctuelle. Quinze jours plus tard, 1 200 km² de terres russes sont occupées. Elles viennent d’être placées sous administration militaire ukrainienne. Preuve d’une occupation « ponctuelle » appelée à durer…

En réalité, c’est l’OTAN qui occupe et transpose la guerre sur le sol russe. Une guerre dans laquelle les grandes puissances capitalistes se sont impliquées depuis trente mois au nom de la « défense de l’Ukraine agressée ». Force est de constater cette réalité nouvelle :« l’invasion du territoire russe » revendiquée par Zelensky.

Jouant eux aussi la comédie des « pas-au-courant », les dirigeants américains s’en félicitent bruyamment, dans un total consensus entre démocrates et républicains. Il est vrai que cela va dans le sens des intérêts bien compris des sommets du capital financier des États-Unis. Ils n’ont jamais caché leur volonté d’évincer les oligarques de Moscou pour procéder eux-mêmes à l’exploitation du peuple russe et au pillage des immenses ressources du pays.

Au fait… où sont passés ceux qui, en février 2022, dénonçaient l’agression du seul Poutine contre la souveraineté de l’Ukraine, sans un mot à l’encontre des parrains occidentaux de Zelensky ? Raphaël Glucksmann, Manon Aubry, Marie Toussaint, vous êtes les représentants officiels de la « gauche » française au Parlement européen. Vous avez voté il y a cinq semaines sa résolution encourageant Zelensky à étendre la guerre et appelant à la financer. Où êtes-vous ? Où sont vos appels vibrants au respect de la souveraineté des peuples quand les chars de l’OTAN envahissent le territoire russe ? Votre silence aujourd’hui dit le crédit qu’il faut apporter à vos envolées lyriques sur la liberté et la justice !

La réalité de la guerre, c’est son contenu de classe. Elle oppose les oligarques capitalistes de Moscou à leurs concurrents de Washington. Ceux qui poussent à la poursuite et à l’extension de la guerre se font les relais d’un groupe de brigands capitalistes contre un autre groupe de brigands capitalistes.

Russes ou ukrainiens, français ou américains, les travailleurs n’ont pas le moindre intérêt à la poursuite de cette guerre. Dès février 2022, nous écrivions dans ces colonnes : « Troupes russes, hors d’Ukraine, troupes de l’OTAN, hors d’Europe ! » Nous n’avons rien à modifier aujourd’hui, sauf à préciser que « Troupes de l’OTAN, hors d’Europe ! » implique « Troupes ukrainiennes, hors de Russie ! ». Et que l’argent de la guerre doit revenir aux hôpitaux, à l’école, au logement. En un mot : aux besoins des peuples de tous les pays !

À la vie et à l’avenir, pas à la guerre et au néant !

Puisque Macron ne le veut pas…

Par Daniel Gluckstein

Il doit « reconnaître le résultat des élections » et « se remettre à discuter de la formation d’un gouvernement ». Qui parle ? Chloé Ridel, porte-parole du Parti socialiste (France Inter, 12 août). À qui s’adresse-t-elle ? À Macron, en direction de qui elle vante les compétences de Lucie Castets, désignée par le Nouveau Front populaire (NFP) comme candidate au poste de Première ministre.

Il y a quelque chose de pitoyable dans cette supplique. Faut-il rappeler que, depuis sept ans, Macron met en œuvre avec zèle le mandat confié par sa classe : accroître l’exploitation des travailleurs en remettant en cause leurs acquis pour permettre au profit capitaliste d’enfler toujours plus ? Faut-il rappeler que la Constitution de la Ve République donne au président le pouvoir de désigner le (ou la) Premier(e) ministre qui lui convient ? Et que, par conséquent, personne ne peut lui imposer une nomination dont il ne veut pas ?

Il est vain de supplier Macron. Il ne désignera de Premier ministre (issu du NFP ou de la droite ou du centre) qu’à la condition que sa politique ne lèse pas les intérêts capitalistes. Certes, des compromis sont possibles, mais à la marge : cohabitation ou pas, un gouvernement de la Ve République ne peut gouverner contre la classe capitaliste.

Le mandat du 7 juillet est un mandat ouvrier et populaire. Il appelle des mesures radicales : l’augmentation générale des salaires et l’affectation à l’école, aux hôpitaux, aux services publics, au logement social des milliards nécessaires pour répondre aux besoins immédiats. Pour une telle politique de rupture ouvrière et populaire, les moyens doivent être dégagés là où ils sont : dans les profits capitalistes et dans les budgets d’armement, les uns et les autres en constante augmentation.

L’application de ce mandat se heurte à Macron et aux institutions de la Ve République. Les dirigeants du Nouveau Front populaire le savent, comme ils savent que, quel que soit le Premier ministre, Macron s’opposera à toute politique de rupture avec la classe capitaliste.

La seule voie pour mettre en œuvre le mandat du 7 juillet, c’est la mobilisation de masse, la mobilisation de millions qui brisera le carcan de la Ve République. Ce que Macron veut empêcher, le peuple mobilisé et organisé peut l’imposer.

De deux choses l’une.

Ou bien les dirigeants du Nouveau Front populaire renoncent au mandat confié par le peuple, au nom du respect des institutions.

Ou bien, pour respecter le mandat, ils s’engagent sur la voie de la rupture et appellent à organiser la mobilisation générale dans l’unité pour en finir avec la Ve République et pour la convocation d’une Assemblée constituante souveraine. Ainsi pourra se mettre en place une République nouvelle où il sera possible de gouverner pour le peuple travailleur et la jeunesse.

Nombre de dirigeants du Nouveau Front populaire ne manquent aucune occasion d’entonner le refrain des gilets jaunes. Ils ont aujourd’hui la responsabilité de passer de la chanson à l’action : puisque Macron ne le veut pas, le peuple doit imposer le respect de la démocratie.

Une fois éteints les lampions de la fête…


Par Daniel Gluckstein

Nombre de nos jeunes lecteurs ignorent sans doute qui fut Maurice Chevalier et, a fortiori, sa chanson à succès de 1939 : « Et tout cela, ça fait d’excellents Français, d’excellents soldats qui marchent au pas. » Il y glorifiait l’union, « face à l’ennemi », de ces « Français » divers par leurs origines sociales et leurs opinions.

2024 marquera-t-il l’improbable retour de Maurice Chevalier ? À en croire Macron et certains médias aux ordres, les « excellents Français » seraient tous « contents », unis dans une même « ferveur ». Ferveur en particulier pour « nos » exploits, « nos » athlètes, « nos » performances qui suscitent des commentaires dégoulinants de chauvinisme.

Le sport est une chose. La lutte des classes en est une autre. Mais le sport peut devenir un enjeu de la lutte des classes.

Qui a vraiment lieu d’être « content » ?

Les patrons des multinationales, c’est certain. Selon le Financial Times, Coca-Cola, LVMH, Samsung et quelques autres ont investi des milliards d’euros dans le sponsoring des Jeux. Grâce à cette « commercialisation sans précédent », elles ont la garantie d’empocher bien plus en retour.

Macron aussi est content. Pendant que le peuple suit les Jeux, lui est occupé ailleurs : avec son ministre Le Maire pour mijoter un budget d’austérité comme jamais le pays n’en a connu ; avec sa ministre Belloubet pour préparer une rentrée scolaire de toutes les contre-réformes ; avec ses collègues de l’Union européenne pour financer à coups de milliards la guerre en Europe (grâce aux votes des « gauches » au Parlement européen) ; avec, aussi, ses collègues Biden et autres pour couvrir les crimes insensés de Netanyahou en Palestine.

Macron est content aussi parce que, tandis que les yeux sont rivés ailleurs, il prépare une combinaison gouvernementale qu’il compte bien imposer, contre le mandat du vote du 7 juillet, en s’appuyant sur les pouvoirs exorbitants que lui confère la Ve République.

À « gauche », Anne Hidalgo ne cache pas sa joie : les Jeux de Paris montrent qu’« on peut être ensemble et être heureux ensemble ». On ne sait pas ce qu’en pense sa directrice des finances Lucie Castets, accaparée par sa tournée de possible future Première ministre du Nouveau Front populaire.

Jusqu’à quel point les médias qui chantent les louanges de l’union nationale retrouvée grâce aux Jeux y croient-ils eux-mêmes ? « La France heureuse des JO : une simple parenthèse ? », s’interroge Le Monde.

2024 n’est pas 1939. Cela fait des années que les travailleurs ne marchent pas au pas, multipliant grèves, manifestations et grands mouvements de lutte de classe. Ils ont exprimé leur rejet massif de Macron et de sa politique dans les récentes élections.

Les lampions de la fête vont s’éteindre. Pas plus demain qu’hier, les travailleurs ne marcheront au pas ; que ce pas soit dicté par Macron ou par un autre gouvernement – fût-il de « gauche » – qui voudrait coopter leurs syndicats et imposer des mesures qu’ils rejettent.

Les travailleurs ont plus que jamais besoin de préserver l’indépendance de leurs organisations. Une fois les lampions éteints, la lutte de classe sera toujours là. Et bien là

Et nos affaires courantes, qui s’en soucie ?

Par Daniel Gluckstein

Voici donc le pays géré par un « gouvernement chargé d’expédier les affaires courantes ». Attal et son patron Macron peuvent donc poursuivre comme avant, comme si Macron n’avait pas été battu et rejeté en trois élections successives sur un mois.

Leurs « affaires courantes », c’est la politique qui, comme on le lira dans ce journal, prépare une rentrée scolaire catastrophique dans le Val-de-Marne : 131 classes supprimées ! Et plus de 300 en Seine-Saint-Denis voisine. Et combien de milliers dans toute la France ?

Nos « affaires courantes », celles des travailleurs et de leurs familles – l’école pour les enfants, l’accès aux soins, le logement, l’emploi, les salaires… –, qui s’en soucie ?

Dans les entreprises, dans les quartiers, les travailleurs s’interrogent : « Qu’est-ce qu’ils font, là-haut, pourquoi cette division ? » De plus en plus nombreux sont ceux qui concluent : « Ils ne veulent pas y aller ! »

Il est vrai que sous la Vᵉ République un gouvernement peut « expédier les affaires courantes » aussi longtemps que le président le décide.

Cela ne semble pas trop déranger Mélenchon qui, dans son blog du 22 juillet, se félicite de la « cohabitation politique d’un genre nouveau » qui découle de ce que « le Nouveau Front populaire a conquis la majorité au bureau de l’Assemblée ». Désormais, s’enflamme-t-il, « le pouvoir à l’Assemblée passe dans les mains du Nouveau Front populaire ». Si les mots ont un sens, si le pouvoir à l’Assemblée est passé dans les mains du NFP, Mélenchon ne devrait-il pas proposer que cette Assemblée nationale décrète la déchéance de la Vᵉ République ? « Dans les mains du NFP », l’Assemblée nationale ne devrait-elle pas convoquer sans délai une Assemblée constituante souveraine engageant la marche vers la 6ᵉ République inscrite dans le programme du NFP ?

Telle n’est pas la préoccupation de Mélenchon. Ce dernier prend soin en revanche de se féliciter de la répartition des postes à l’Assemblée nationale : « Les insoumis y trouvent bien leur compte avec deux vice-présidences, deux secrétaires et la présidence de la commission des finances… » Il est content, Mélenchon… Avec quelques postes haut placés, « les insoumis y trouvent leur compte ». Tant mieux pour eux…

Les travailleurs et leurs familles, les jeunes, eux, ne trouvent pas leur compte dans les conditions sociales qui ne cessent de se dégrader, dans les suppressions d’emplois qui se multiplient, dans le désert hospitalier qui s’étend, dans le désastre de la rentrée scolaire ou dans celui du logement, pas plus qu’ils ne trouvent leur compte dans des salaires toujours plus rognés par l’inflation.

Plus la « gauche » se dérobe au mandat qui lui a été confié le 7 juillet, plus elle conduit les travailleurs à cette conclusion : « Quel que soit le nom du futur locataire de Matignon, nous ne réglerons nos “affaires courantes” que par notre propre mobilisation. Rien ne nous sera donné. C’est par notre propre action que nous arracherons les revendications. » C’est pour aider à ce combat que se construit le Parti des travailleurs, parti de lutte de classe.

Ils ont reçu un mandat, ils lui tournent le dos

Par Daniel Gluckstein

À l’heure où ces lignes sont écrites, nul ne sait quelle sera la composition du prochain gouvernement ni quand elle sera annoncée. Toutes les hypothèses sont sur la table, d’un gouvernement de coalition entre la droite et les macronistes à un large « arc républicain » du Parti socialiste et des Verts jusqu’à la droite et les macronistes. Autre hypothèse : Macron ferait durer le plus longtemps possible un gouvernement « technique » chargé d’« expédier les affaires courantes » en attendant… une probable dissolution en juillet 2025.

Une hypothèse semble s’éloigner chaque jour un peu plus : la constitution d’un gouvernement des partis du Nouveau Front populaire (NFP) pourtant arrivé en tête le 7 juillet.

Comment le comprendre ?

On ne s’étonne pas d’entendre le Medef et autres porte-parole du capital financier crier à la catastrophe annoncée à propos du programme du NFP. Pour eux, la moindre amélioration de la situation des salariés, aussi limitée soit-elle, aussi respectueuse soit-elle de la Vᵉ République et du régime capitaliste… est de trop !

Mais comment comprendre la lutte féroce que se livrent les différentes composantes du Nouveau Front populaire, une lutte dont le vainqueur est connu d’avance : Macron, donc la classe capitaliste dont il représente les intérêts ?

Force est de constater que tous contribuent à cette situation. Toute proposition d’un nom pour le poste de Premier ministre provoque un regain de tension et de division. C’est une véritable escalade. « Impossible » est le terme qui semble dominer les « échanges » entre les partis membres du NFP.

Les travailleurs et les jeunes qui ont massivement voté pour les candidats du NFP assistent à ce spectacle avec consternation. Ils s’interrogent : « Ces dirigeants de gauche veulent-ils vraiment gouverner pour mettre en œuvre leur programme ? »

Au soir du second tour, Jean-Luc Mélenchon a déclaré qu’il faudrait appliquer « le programme du NFP, tout le programme, rien que le programme ». Mais cinq jours plus tard, le 12 juillet, concluant l’assemblée de ses partisans dans ses locaux du 87, rue du Faubourg-Saint-Denis, il en appelle « à la conquête du pouvoir, nous en connaissons la date et les moyens, c’est 2027 et c’est l’élection présidentielle ». Si c’est 2027, ce n’est pas 2024… Qu’importe le vote du 7 juillet, qu’importent trois ans de plus avec Macron et sa politique ?

Quant au Parti socialiste et aux autres composantes du Nouveau Front populaire, ils savent qu’en proposant comme Premier ministre une « personnalité de la société civile », qui quelques jours auparavant appelait à s’allier avec les macronistes, ils attisent le feu de la division.

Tous tournent le dos au mandat qu’ils ont reçu par le vote populaire de millions de femmes, d’hommes, de jeunes le 7 juillet. Tous se dérobent.

Et pendant ce temps… Macron gouverne. La rentrée scolaire dans quelques semaines ? C’est celle préparée par Belloubet pour laquelle manquent des dizaines de milliers d’enseignants et de personnels chargés d’accompagner les enfants en situation de handicap. La guerre en Ukraine ? Macron vient d’y affecter 2,3 milliards d’euros supplémentaires. Le décret contre les chômeurs ? Il sera publié incessamment. La loi Darmanin contre les immigrés ? Des décrets d’application sont publiés ce jour, 16 juillet ! Ajoutons à cette liste la Cour des comptes qui prescrit 50 milliards de coupes supplémentaires dans le budget 2025 et Le Maire qui coupe 5 milliards supplémentaires dans le budget en cours d’exécution… Et l’annonce d’une nouvelle réforme des retraites, celle de l’an dernier n’aurait pas suffi.

Rien n’est joué. À ceux qu’ils ont placés en tête des votes le 7 juillet, les travailleurs sont en droit de dire : « Arrêtez de vous diviser ! Formez un gouvernement de vos partis pour appliquer le programme que vous avez soumis au vote populaire ! Sans quoi, si vous persistez à tourner le dos au mandat, si vous piétinez la démocratie dont vous vous réclamez, sachez que les travailleurs iront chercher par leur propre lutte de classe la satisfaction des revendications. Ils le feront sans vous, en préservant l’indépendance de leurs syndicats qui n’ont pas à être entraînés dans vos divisions. »

Quel que soit le dénouement immédiat, la Vᵉ République est frappée à mort.

Quel que soit le dénouement immédiat, il faudra bien que s’impose un gouvernement de rupture ouvrière qui abroge la fonction monarchique du président de la République doté de tous les pouvoirs et balaie la Vᵉ République elle-même.

Quel que soit le dénouement immédiat, la classe ouvrière a besoin de rester unie, forte, avec ses organisations pour faire prévaloir ses intérêts et ses aspirations. Et pour imposer enfin un gouvernement à elle, sans Macron ni patrons.

Le 16 juillet, 18 heures