Éditorial de La Tribune des Travailleurs n°419 du 13 décembre 2023

Oser rompre

Par Daniel Gluckstein


La situation à Gaza est « apocalyptique » pour les populations civiles. Ainsi s’exprime M. Josep Borrell, vice-président de la Commission européenne et chef de sa diplomatie, qui ajoute : « Le niveau de destruction des immeubles à Gaza est plus ou moins, voire supérieur, aux destructions dont ont souffert les villes allemandes pendant la Seconde Guerre mondiale. » De son côté, le secrétaire général de l’ONU décrit Gaza comme « un cimetière pour enfants ».
Près de deux millions et demi de Palestiniens pris au piège croulent sous l’apocalypse des plus de dix mille frappes israéliennes qui sèment la mort à tout instant ; plus de 60 000 tués ou blessés ; et la famine qui se généralise, les malades qu’on ne soigne plus… 85 % de la population déplacés…
Borrell ayant dénoncé l’apocalypse, qu’ont répondu les ministres des Affaires étrangères des vingt-sept pays de l’Union européenne réunis le 11 décembre autour de lui ? Sur proposition de plusieurs pays, dont la France, ils ont réclamé des sanctions supplémentaires contre le Hamas.
Des sanctions ? S’il s’agit d’arrêter le déferlement « apocalyptique » qui dévaste Gaza, elles doivent viser ses responsables. À savoir Israël et le gouvernement Netanyahou, et aussi les États-Unis et l’administration Biden qui, par leur soutien militaire, financier, politique et diplomatique, portent une responsabilité écrasante dans la situation.
Pour qui se préoccupe du genre humain, l’urgence – quel que soit le point de vue sur le Hamas ou sur la solution politique au Moyen-Orient –, c’est que l’enfant palestinien puisse vivre, être nourri et soigné.
L’urgence est d’arrêter le bras meurtrier.
Au Conseil de sécurité de l’ONU le 8 décembre, les États-Unis ont bloqué la demande d’un cessez-le-feu. Cela prouve deux choses. Premièrement : il n’y a rien à attendre de l’ONU qui, depuis soixante-quinze ans, reste fidèle à sa résolution de 1947, celle qui a imposé la partition de la Palestine à l’origine des souffrances infligées depuis à tous les habitants de la région. Deuxièmement : le large consensus autour du mot d’ordre de « cessez-le-feu » – soutenu à l’ONU par le représentant de Macron – est pour le moins trompeur.
Oui, il faut exiger que cesse le feu déchaîné par Israël sur la population palestinienne ! Mais exiger aussi : que cessent les bombardements, que les troupes israéliennes se retirent de la bande de Gaza, que le siège soit levé, que les moyens soient mobilisés pour nourrir, soigner et sauver la population ! Et encore : que les organisations ouvrières appellent les travailleurs à bloquer les livraisons d’armes à Israël et à se mobiliser pour faire cesser l’aide militaire et financière que lui apportent les États-Unis et toutes les puissances capitalistes ! Par tous les moyens, bloquer les fauteurs de l’apocalypse et leur parrain : l’impérialisme américain !
En un mot : oser rompre avec l’ONU et l’Union européenne, parties prenantes de fait de la guerre contre le peuple palestinien.
Oser rompre, dans ce domaine comme dans tous les autres, avec l’ordre impérialiste.
L’union des travailleurs et des peuples fera la paix du monde.

Divers suite

Éditorial de La Tribune des Travailleurs
n° 448 du 10/07
À lire ici !

 

“A lire” dans La Tribune des Travailleurs

Eté 2023, La Tribune des Travailleurs publie une série permettant de découvrir des militants peu connus qui ont pris part à L’histoire ouvrière

“Elles et ils ont pris part à l’histoire ouvrière”

397- 5 juillet
Dans ce premier numéro de l’été, La Tribune des Travailleurs présente Takiji Kobayashi (1903 – 1933), écrivain et militant dans les années 1920. On lui doit en particulier les livres suivants : “Le bateau usine”, “Le 15 mars 1928” et “Le propriétaire absent”.

Pendant l’été 2022, La Tribune des Travailleurs rencontre des auteurs

Chaque semaine, leur interview est publié sur 2 pages dans

“Le cahier de l’été – Rencontre avec l’auteur”

353– 24 août
La Tribune des Travailleurs publie des extraits de la préface que Hervé Le Tellier a consacrée à la réédition du livre de Georges Orwel, “La ferme des animaux”

352– 17 août
Jacques Jouet (Une mauvaise maire – La république de Mek-Ouyes – Le cocommuniste)

351– 03 août
Eric Vuillard (Prix Goncourt 2017 avec “L’ordre du jour” – 14 juillet – La bataille d’occident)

350– 27 juillet
Hervé Le Tellier (Prix Goncourt 2020 avec “L’anomalie” – Assez parlé d’amour – Electrico W)

349 – 20 juillet
Dominique Manotti (Marseille 73 – Nos fantastiques années fric – Lorraine correction – Sombre sentier)

348 – 13 juillet
Djaïli Amadou Amal (Les Impatientes – Cœur du Sahel)

347 – 6 juillet
Caryl Férey (Zulu – Mapuche – Condor – Uruguay – Haka– Lëd)

Régulièrement, La Tribune des Travailleurs propose des livres à lire : en voici une liste.

454
Les Exaltés – Gérard Mordillat

453
Le Bateau-Usine (manga inspirée du roman de Takiji Kobayashi) – Gô Fujio

450
Hommage à Ismaïl Kadaré décédé le 1° juillet 2024 (Les tambours de la pluie – Le grand hiver)
Le camp des oubliés – Barbara Bordes

449
L’oreille de Kiev – Andrei Kourkov

446
L’hôtel de verre – Emily St. John Mandel

444
Le livre du feu – Christa Lefteri

441
Reine rouge –   louve noire – Roi blanc – Juan Gomez Jurado

439
Les aiguilles d’or – Michael McDowell

429
Femme, Vie, Liberté (roman graphique) – Marjane Satrapi

428
Cœur du Sahel – Djaïli Amadou Amal

426
Le Silence et la Colère – Pierre Lemaitre

425
Les abeilles grises – Andreï Kourkov
Copernic et Newton n’étaient pas seuls – James Poskett
Okavango – Caryl Férey

423
Sensibilités – Tania de Montaigne

422
Koko n’aime pas le capitalisme (BD) – Tienstiens

420
Un détail mineur – Adania Shibli

417
Les nuits de la peste – Orhan Pamuk
Les ténèbres et la nuit – Michael Connelly
Ton absence n’est que ténèbres- Jon Kalman Stefansson

415
Pays de sang – Paul Auster

414
L’enragé – Sorj Chalandon

413
La maison dorée – Jessie Burton
Personne ne le croira – Patricia MacDonald

412
Une belle grève de femmes (les Pens sardins Douarnenez – 1924) – Anne Crignon

411
Album de famille (La grande histoire de nos ancêtres) – Guido Barbujani

409
Il n’y aura pas de sang versé – Maryline Desbiolles

408
Un destin sauvage, si sauvage – Inga Vesper
Ces femmes là – Ivy Pochada

406
Franz Kafka ne veut pas mourir – Laurent Seksik

405
Pas dormir – Marie Darrieussecq
Autolouange et autres poèmes – Les sœurs Brontë

404
Les arbres grandissent-ils toute leur vie ? – André Granier

400
Normal People – Sally Rooney
Une nuit de trop – James Patterson
L’île interdite – James Rollins

399
Silence dans les champs – Nicolas Legendre

396
La pierre du remords – Arnaldur Indridasson

395
Hommage à Cornac McCarthy, décédé le 13 juin 2023

391
L’horizon d’une nuit – Camilla Grebe
Le dernier message – Nicolas Beuglet

390
Fille en colère sur un banc de pierre – Véronique Ovaldé

385
La fille dans le brouillard – Donato Carrisi
Un talent pour le crime – Andrew Wilson

379
A Islande – Ian Manook

374
L’éternel fiancé – Agnès Desarthe
Incendie nocturne – Michael Connelly


373
Le 15 mars 1928 – Takiji Kobayashi


368
Kinderzimmer – Valentine Goby
Crossroads – Jonathan Franzen


367
La République ensanglantée (Berlin, Vienne : aux sources du nazisme) – Jean-Numa Ducange

361
Les Testaments – Margaret Atwood
Le bal des ombres – Joseph O’Connor
Le banquet annuel de la confrérie des fossoyeurs – Mathias Enard
American Dirt – Jeanine Cummins

359
Les muses – Alex Michaelides
Histoires de la nuit- Laurent Mauvignier

358
Séquences mortelles – Michael Connelly
Asta- Jon Kalman Stefansson

357
Mémoires de guerre – Dimitri Lissovenko

356
Les enfants sont rois – Delphine de Vigan

355
Ainsi vivent les femmes – Monique Romagny-Vial

352
Impossible – Erri de Luca

349
Les prisonniers de la liberté – Luca di Fulvio

348
Mort aux hypocrites – Petros Markaris

343
Dans les brumes de capelans – Olivier Norek

341
La face nord du cœur – Dolorès Redondo
Le flambeur de la Caspienne (les énigmes d’Aurel le Consul) – Jean-Christophe Rufin

340
La rose seule – Muriel Barbery
La muse rouge – Véronique de Haas

338
Encabanée – Gabrielle Filteau Chiba
Lumière d’été puis vient la nuit – Jon Kalman Stephansson
Les cahiers de Verkhnéouralsk – Écrits des militants trotskystes soviétiques (1930-1933) {page 14 de la TT}

337
Une sortie honorable – Éric Vuillard

333
Le grand monde – Pierre Lemaitre

332
Nuit – Edgar Hilsenrath

331
Les amazones – Jim Ferguson
Nos espérances – Anna Hope

330
Femmes astronomes – Yaël Nazé

329
Les aventures extraordinaires d’un juif révolutionnaire – Alexandre Thabor

326
Voyage sur les flots de galaxies – Laniakea, et au-delà – Hélène Courtois

325
La mer à l’envers – Marie Darrieussecq
Une machine comme moi – Ian McEwan

320
À la découverte des Étrusques – Marie-Laurence Haack
Marathon, savant et tribun – Clifford D Conner
La porte du voyage sans retour – David Diop

318
Leurs enfants après eux – Nicolas Mathieu Prix Goncourt 2018

317
Une saga familiale en Géorgie – Nino Haratischwili (la 8° vie)

316
3 polars hambourgeois de Cay Rademacher :

  • L’assassin des ruines
  • L’orphelin des docks
  • Le faussaire de Hambourg

314
L’inconnu de la poste – Florence Aubenas

312
Publicité meurtrière – Petros Maarkaris

311
Le grand roman des maths – Mickaël Launay
Une saison à Hydra – Elizabeth Jane Howard
Retour à Martha’s Vineyard – Richard Russo
Tribulations d’un précaire – Iain Levison

310
Paul Robeson (biographie de) – Gérald Horne

309
Une farouche liberté – Gisèle Halima avec Abbick Cojean

307
Légende d’un dormeur éveillé – Gaëlle Nohant

305
L’été de Katia – Trevanian (Rodney William Whitaker)
Succion – Yrsa Sigurdadottir
Le serpent majuscule – Pierre Lemaitre

304
Cette nuit-là – Indra Sinha
L’IA peut-elle penser ? – Hubert Krivine

303
Testament à l’anglaise – Jonathan Coe
L’autre Rimbaud – David Le Bailly

302
Condor – Carol Férey

301
Les maquisards – Nora Hamid
Une histoire de tout, ou presque… – Bill Bryson

300
Vie et destin – Vassili Grossman

299
Hommage à la Catalogne – George Orwell
La naissance de la pensée scientifique – Carlo Rovelli

298
Sans patrie ni frontières – Jean Valtin
Quand les animaux et les végétaux nous inspirent – Emmanuelle Pouydebat

297
Les raisins de la colère – John Steinbeck

296
Tout est crime dans notre vie – Mai Thi Nguyen-Kim

295
Un couple irréprochable – Alafair Burke
Le suspendu de Conakry – Jean-Christophe Rufin
Nuit sombre et sacrée – Michael Connelli

294
Les âmes mortes – Nikolaï Gogol

292
Quand la gauche pensait la nation – Jean-Numa Ducange
La guerre des paysans en Allemagne – Frédérick Engels
Fourmies la Rouge – Alex W. Inter (bande dessinée)

291
A travers la mort (Mémoires inédit 1886-1890) – Louise Michel

290
Sigle – Ragnar Jonasson
La philo expliquée aux enfants – Tahar Ben Jelloun

288
Rien n’est noir – Claire Berest
Journal officiel de la Commune de Paris (20 mars – 24 mai 1871

287
Dictionnaire de la Commune – Bernard Noël

286
La semaine sanglante (mai 1871 – Légendes et comptes) – Michèle Audin
Je te suivrai en Sibérie – Irène Frain

284
Léo Frankel, communard sans frontières – Julien Chuzeville (biographie de Léo Frankel)

283
La Commune de Paris au jour le jour (18 mars – 28 mai 1871) – Paule Lejeune

281
A la ligne – Feuillets d’usine – Joseph Ponthus

280
Éden – Monica Sabolo

279
Octobre – Sören Sveistrup

277
L’invention du colonialisme vert – Guillaume Blanc

273
Le gang des rêves – Lucas du Fulvio

272
Will prend son pied – Tom Sharpe
England, England – Julian Barnes

271
La saison de l’ombre – Léonora Miano  (prix Femina 2013)

Les années – Annie Ernaux

Dans ce livre autobiographique au ton impersonnel (tout est écrit à la troisième personne du singulier comme si l’auteur se contentait de décrire, au travers de quelques photos, les souvenirs et impressions d’une personne étrangère), l’auteure se livre à nous. Plus qu’un simple récit anecdotique, c’est une frise du temps qui s’ouvre à nous partant des ruines des villes et villages après la guerre jusqu’au début du XXI° siècle. Pourquoi ce livre ? Annie Ernaux répond dans les dernières pages :

« Ce ne sera pas un travail de remémoration tel qu’on l’entend, généralement, visant à la mise en récit d’une vie, à une explication de soi. Elle ne regardera en elle-même que pour y retrouver le monde, la mémoire et l’imaginaire, des jours, passer du monde, saisir le changement des idées, des croyances et de la sensibilité, la transformation des personnes et du sujet, qu’elle a connu, et qui ne sent rien, peut-être, auprès de ce grand connu, sa petite fille et tous les vivants en 2070. »

Souvenirs des ruines, des reconstructions, des magasins aux grandes surfaces, des vinyls puis des CD, des chansons, des films, des livres, … Souvenirs aussi des études, du travail, des problèmes, de la vie sexuelle, … Souvenirs historiques aussi au travers des grands évènements politiques, guerres de Corée, du Vietnam, indépendance de l’Algérie, les élections en France, mai-juin 68 dont elle analyse ainsi le dénouement :

« Les élections, ce n’était pas choisir, c’était reconduire les notables en place pour rien. De toute façon, la moitié des jeunes n’avait pas vingt et un ans, ils ne votaient pas. Au lycée, à l’usine, la CGT et le PC recommandaient la reprise du travail. On pensait qu’avec leur élocution lente ou rocailleuse de faux paysans, leurs porte-parole nous avaient bien entubés. Ils gagnaient la réputation « d’alliés objectifs du pouvoir » et de traîtres staliniens, dont tel ou telle, sur le lieu de travail, allait devenir pour des années, la figure achevée, cible de toutes les attaques. »

L’auteur

Depuis que Annie Ernaux a reçu le Nobel de littérature en 2022, elle bénéficie d’une publicité médiatique importante qui ne devrait pourtant pas empêcher la lecture de ses livres. Le quotidien « Le Monde » a publié le discours qu’elle prononça lors de la remise de son Nobel. Vous pouvez le lire en cliquant ci-dessous.

Jacno

Les années – Annie Ernaux (Ed. Folio – 8,70 €)

L’oreille de Kiev – Andreï Kourkov


Kiev (Ukraine), début de l’année 1919. Pour la deuxième fois, l’armée rouge est victorieuse en Ukraine contre les Russes blancs du général Denikine et les partisans de Symon Petlioura. Le roman de Kourkov commence mal pour son héros Samson : son père est tué par un cosaque qui sabre tous ceux qui se trouvent sur son passage et lui, Samson, a son oreille droite coupée. Cette oreille, enfermée dans une petite boîte métallique, va jouer un rôle bien particulier dans cette histoire. Tout à fait par hasard, cherchant du travail maintenant que ce jeune étudiant se retrouve orphelin, il se verra proposer un poste d’enquêteur dans la milice. Il rencontrera aussi Nadejda, jeune bolchevique convaincue (contrairement à lui) qui deviendra sa colocataire avant de devenir, certainement dans le prochain roman de Kourkov, son épouse.

Et nous voilà entraînés, au travers d’une enquête policière passionnante, dans le Kiev du début des années 1919 au milieu des difficultés d’approvisionnement de nourriture, de bois pour se chauffer ou alimenter la centrale électrique, des incursions et des attaques des anti-bolchéviques, des vols, des meurtres, …Andreï Kourkov s’appuie, pour restituer au mieux ces années-là , sur un grand travail de recherche dans les documents de l’époque. Comme il l’explique dans l’avant-propos du livre : « Je suis devenu un familier de la Kiev de 1919, je connais certains de ses habitants et leurs adresses, je me promène dans ses rues accompagnées des héros des rapports de police et des personnages de mon livre. »

A noter parmi les soldats de l’armée rouge à Kiev, la présence de très nombreux chinois. En effet, au moment de la révolution russe, en octobre 1916, il y avait près de 200 000 chinois employés en Russie. Près de 40 000 d’entre eux rejoignirent l’armée rouge pour diverses raisons (conviction politique, possibilité d’avoir un travail et un salaire pour vivre ou rentrer chez eux,…).

L’auteur

Andreï Kourkov est né en 1961. Écrivain ukrainien, où il habite dès ses 2 ans et termine ses études à l’Institut d’État de pédagogie des langues étrangères en 1983, il écrit en langue russe. Il commence à être connu en France avec la traduction de son roman « Le pingouin » (avec sa suite « Les pingouins n’ont jamais froid »). Depuis 1996, il vit en partie à Londres. Il préside l’Union des écrivains ukrainiens.

Jacno

L’oreille de Kiev – Andreï Kourkov (Éditions Liana Levi – 22 €)

Regarde les lumières mon amour – Annie Ernaux

Tiens, un livre consacré à l’hypermarché  Auchan de Cergy ! Un roman ? Un carnet de bord ? Un journal intime ? Une étude sociologique ? Ou, plus simplement, un livre d’Annie Ernaux. En 2012, 2013, Annie Ernaux est allée régulièrement faire ses courses à ce magasin et elle raconte ce qu’elle voit, ce qu’elle ressent. Elle y retournera 3 ans plus tard et constatera, outre quelques petits aménagements, que « l’hyper continue de jouer à fond son rôle réactionnaire d’aménageur des effets du chômage et des bas salaires ». Publié en 2014, ce livre est aussi une une analyse de la société dite de consommation et des différentes classes sociales qui se reflètent dans ce magasin et la façon dont il agit et réagit par rapport à elles.

Le titre de cet ouvrage peut surprendre au premier regard mais il suffit de parcourir le livre pour en comprendre la raison.

Bien sûr, entre autres, elle s’intéresse au rayon librairie. Alors qu’au rayon « NOUVELLES TECHNIQUES, CONNECTIQUE » on trouve des vendeurs pour renseigner les clients ce « sont tous des garçons jeunes, généralement bien de leur personne, évoluant avec décontraction entre les comptoirs, conscients de leurs savoirs en matière de nouvelles technologies »), il n’y a personne auprès des livres et de la presse. « Point presse d’Auchan. Je ne m’habitue pas aux endroits où sont vendus les journaux sans qu’il y ait un kiosque capable de vous dire où se trouve le magazine que vous cherchez. »

Au rayon des bonbons et biscuits en vrac, l’auteure note le panneau « Consommation sur place interdite » alors que dans l’espace librairie on peut lire « Par respect pour nos clients, il est interdit de lire les revues et les magazines dans le magasin. » Et pourtant, « …, une jeune femme, vêtue mode, est plongée dans un livre dont je ne vois pas le titre. À côté, un enfant lit une BD. Réjouissant de constater qu’ils sont assis juste au-dessous du panneau d’interdiction de lire. » « Des couvertures de magazines sont froissées. (…) Auchan se soucie davantage des bonbons fraudés aux super discount que des journaux détériorés. »

L’auteur

Depuis que Annie Ernaux a reçu le Nobel de littérature en 2022, elle bénéficie d’une publicité médiatique importante qui ne devrait pourtant pas empêcher la lecture de ses livres. Le quotidien « Le Monde » a publié le discours qu’elle prononça lors de la remise de son Nobel. Vous pouvez le lire en cliquant ci-dessous.

Jacno

Regarde les lumières mon amour – Annie Ernaux (Ed. Folio – 6,90 €)