Stöld, en français, se traduit par « vol ».
On aurait tort de ne voir dans ce livre qu’un simple thriller. Bien sûr, il y a une intrigue « policière » mais bien plus que cela, c’est l’histoire d’un peuple, les samis dont le territoire occupait autrefois une grande partie de la Norvège, de la Finlande, de la Suède et de la Russie. Immense territoire d’un peuple nomade qui vivait de pêche et de chasse avant de se sédentariser et d’élever des rennes. Immense territoire qui fut peu à peu morcelé entre les différents pays et dans lequel les Samis n’ont plus eu que le droit de circuler et d’élever des rennes. Et encore, avec des limites. Ainsi, « en 1886, la Suède vote une « loi sur l’élevage des rennes » qui interdit aux Samis de posséder des terres ou des droits d’utilisation de l’eau. Cette même loi définit légalement un sami comme quelqu’un dont le revenu principal est lié à l’élevage de rennes et sur des bases généalogiques. En 1920, un accord entre la Suède et la Norvège interdit aux éleveurs de faire traverser la frontière entre leurs pays à leurs troupeaux. » (Wikipedia – https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Samis )
Depuis plusieurs dizaines d’années, pour exploiter le riche sous-sol ou pour l’industrie du bois, des espaces entiers sont déboisés sans tenir compte des pâturages traditionnels des rennes. En mars dernier, le gouvernement suédois a encore donné son feu vert à un des projets miniers les plus controversés de ces dernières décennies en Suède, une mine de fer à Kallak à quelques kilomètres du cercle polaire. Non seulement des pâturages vont être interdits aux rennes mais l’infrastructure nécessaire pour le transport du matériel et du minerai va bloquer des chemins de transhumance et traverser un site classé en 1996 par l’Unesco au Patrimoine de l’humanité.
Le « Stöld » dont il est question dans ce livre, c’est celui des rennes qui sont tués, assassinés, torturés par des braconniers. Elsa, 9 ans, découvre l’un d’eux qui vient de tuer son jeune faon. Il la menace de mort si elle le dénonce et elle n’ose le faire. Elle ne le fera pas et gardera enfoui au plus profond d’elle ce secret, ce traumatisme. A cela s’ajoute la xénophobie profonde qui règne dans le pays, les insultes à l’égard des samis que l’on traite de « lapons » (terme péjoratif, issu de la racine lapp qui signifie porteur de haillons en suédois), le mépris des policiers qui classent toujours sans suite les nombreuses plaintes des éleveurs confrontés à ces vols. 10 ans plus tard, en 2018, rien n’a changé. Elsa garde toujours en elle le souvenir de l’assassinat de son faon et essaie tant bien que mal de faire bouger les choses tant par rapport aux vols de Rennes que par rapport à sa place dans la société Sami. « Être Sami, c’est porter son histoire avec soi. Se trouver enfant avec un lourd sac à dos et choisir ou non de le porter. Mais comment oser choisir autre chose que de porter l’histoire de sa famille et de transmettre son héritage ? » dit-elle. Elle a choisi, elle est Sami et entend bien le rester.Mais en tant que femme, son sac à dos est encore plus lourd. Ce sont les mâles qui héritent des troupeaux, qui s’en occupent, qui siègent au parlement sami. La place de la femme ? Elsa l’explique : « Niko recherchait une femme qui saurait s’occuper d’un foyer, qui ne se plaindrait jamais de se retrouver seule pendant des semaines et des mois, qui s’assurerait de remplir le réfrigérateur et de moucher les marmots ».
De 2008 à 2019, on va donc suivre le cheminement d’Elsa. On va plonger aussi en plein dans la renniculture, suivre l’élevage des rennes au fil des saisons, au fil des années, au fil des changements climatiques aussi.
L’autrice s’appelle Ann-Helén Laestadius. Elle est née en 1971, elle est journaliste et écrivaine sami. En 2016, son roman Tio över ett a remporté le prix suédois August comme meilleur livre dans la catégorie enfants et jeunes adultes. Vivant maintenant à Solna près de Stockholm , elle travaille comme journaliste depuis 1990.
Jacno
Ce livre devrait être adapté à l’écran pour Netflix à partir du printemps 2023.